La tournée Mangeons local plus que jamais dans la région de Chaudière-Appalaches est organisée par l’Union de producteurs agricoles et Table agroalimentaire Chaudière-Appalaches.
L’animatrice France Beaudoin, native de Disraeli, est nouvellement propriétaire d’un chalet dans la région. Elle ne s’est donc pas faite priée pour en devenir ambassadrice dans le cadre de la tournée Mangeons local plus que jamais qui se poursuit jusqu’à la fin de l’été. On lui a promis une journée où les produits gourmands, uniques et locaux abonderaient, et où elle pourrait courir de l’apéro au digestif ! On la comprend d’avoir cédé ! Elle a eu l’embarras du choix parmi les 5 800 producteurs de la région !
On connaît bien l’animatrice et la productrice, mais c’est la fille du coin et la maman qui est préoccupée par ce que mangent ses enfants qui a passé la journée avec les producteurs. « Choisis ce qu’il y a dans le champ plutôt que ce qui a mûri dans le truck ! », dit-elle d’ailleurs régulièrement à sa marmaille.
Ferme Phylum
C’est à Saint-Nicolas que la tournée débute, à la ferme laitière Phylum. En opération depuis 2008, les propriétaires ont effectué un virage important vers la transformation et ouvert la fromagerie en 2019, après trois ans de recherche et développement. France est accueillie à la fromagerie par Patrick Soucy et Annie Fréchette-Claessens. Il nous a raconté leur belle aventure et présente leurs produits ; des produits exceptionnels. On trouve des fromages hors du commun en plus de pintes de lait entier, de lait au chocolat, de crème fraîche, de crème 40 %, du yogourt à boire sans oublier la crème glacée, servie en exclusivité sur place. La ferme Phylum produit sept fromages dont le Ôkéfir fait à base de kéfir vieilli 6 à 8 mois avec un goût un peu acidulé.
Nous traversons ensuite la rue pour visiter la ferme et admirer le troupeau de vaches Jersey, une race qui produit un lait plus digestible que le lait plus courant. Le troupeau chez Phylum, c’est 130 vaches dont 60 en production laitière. C’est avec beaucoup de cœur et d’ardeur que Patrick et Annie ont démarré la ferme. En entrant, on aperçoit des photos de l’évolution des travaux affichées sur le mur, qui témoignent de tout le travail mis dans la construction de la maison et des bâtiments de la ferme. Sans se faire prier, France se rend dans l’enclos des vaches avec Patrick pour s’en rapprocher et en apprendre davantage sur la production du lait. Ici, à la Ferme Phylum, les vaches sont libres. « Les vaches décident elles-mêmes du moment où elles se font traire, explique Patrick. Elles y vont par elles-mêmes dans le robot-traite en fonction 24 heures sur 24. » France a aussi droit à un cours express sur le fonctionnement de cet appareil très performant et une démonstration; tout est calibré et la production de chaque vache est soigneusement enregistrée. C’est déjà le temps de partir et France se réjouit d’apprendre que certains produits de la ferme Phylum sont disponibles en ligne.
Ferme Rustique
À la Ferme Rustique, on élève des boeufs à l’herbe, des porcs d’antan et des poulets fermiers. Alexandre Landry et Élisabeth Grenier ont travaillé d’arrache-pied pour démarrer ce projet. Diplômés en agronomie, ils ne viennent toutefois pas de familles “apparentées”, c’est-à-dire qu’aucun membre de leurs familles n’était producteur agricole. Ils ont tout bâti par eux-mêmes. « Mais le projet n’aurait jamais vu le jour sans l’aide de notre famille et de nos amis, surtout dans les 5 premières années! », confie Élizabeth.
Les trois garçons du couple sont très fiers de servir à France le délicieux cidre biologique de la Cidrerie Saint-Antoine. À la Ferme Rustique, c’est la relation avec les clients et le bien-être animal qui priment. Leurs méthodes d’élevage sont écoresponsables, durables, sans hormones et les animaux sont élevés en stabulation libre. Il y a 13 ans, nombreux étaient les sceptiques face au projet. Les fondateurs ont tenu leur bout et en récoltent aujourd’hui le fruit. Ils voulaient éviter d’avoir des installations séparées pour chaque type de production et ils y ont trouvé le bon équilibre. Ils offrent également des boîtes de produits, livrées chaque semaine dans les environs de Québec.
Une dégustation de filet mignon entouré de bacon et de saucisses a eu lieu à côté du pâturage des vaches. Nous avons demandé à nos clients si la reconnaissance officielle de ferme bio était importante, explique Alexandre. La réponse a été claire : pas besoin d’être bio, mais c’est important de savoir ce qui se passe sur la ferme. « Nous sommes donc très présents sur les réseaux sociaux ». Ils publient même des recettes pour aider leur clientèle à optimiser les pièces de viandes achetées. « On fait même souvent du “dépannage-culinaire”», ajoute Élisabeth en riant.
C’est 250 familles qui achètent régulièrement les produits de la ferme. Quelques restaurants seulement, par choix des fondateurs, pour garder une liberté de transiger avec des gens qui partagent leurs valeurs. Et ces valeurs, ils tiennent à les transmettre à leurs fils. Les garçons ont d’ailleurs leur projet des “Petits Rustiques”, où ils apprennent les rudiments de l’entrepreneuriat en ayant 24 poules pondeuses dont ils doivent prendre soin et vendre les œufs. Les parents leur apprennent comment gérer leur petite entreprise avec ses revenus, mais aussi ses dépenses. France serait restée pour en apprendre encore plus, mais la journée est bien remplie et elle doit se rendre au prochain arrêt.
Les Bleuets du Vire-Crêpes
Nous nous arrêtons sur le site enchanteur des Bleuets du Vire-Crêpes pour le dîner. Une table de beaux bleuets installée à l’entrée de l’espace-boutique, et à côté, les propriétaires, Anne Ladouceur et Alain Soulard,attendent l’ambassadrice impatiemment.
C’est en 2000 que les propriétaires ont commencé à planter des bleuets sur le site d’une ancienne ferme laitière. Aujourd’hui, Les Bleuets du Vire-Crêpes c’est 25 000 plants de bleuets dont 17 variétés différentes. Les fruits servent à la consommation et à l’autocueillette. Une pâtisserie est installée dans l’espace boutique où des confitures et des caramels sont aussi disponibles. Souhaitant exploiter le bleuet sous toutes ses formes, Anne et Alain produisent aussi une ligne de cosmétiques.
Le couple de producteurs est passionné et trouve toujours des façons de rendre le site encore plus attrayant. Durant les années régulières entre 1 500 et 2 000 personnes visitent l’endroit en une seule journée. On y trouve des tables à pique-nique, ils organisent des soirées de yoga où 1000 personnes peuvent s’exercer gratuitement. On y trouve même un food truck ouvert quelques soirs par semaine pour le souper.
Le chef dans la cuisine, c’est Alain ! Il a développé une sauce BBQ en trois versions. Elles accompagnent les différents plats servis au food truck à l’arrière du terrain, dans les champs. Mais celle qui vole la vedette, c’est la crème glacée qui, à elle seule, vaut le détour. « J’ai pris des années pour perfectionner la recette, trouver les équipements et arriver au résultat escompté » dit-il avec fierté. Et il peut avoir le sentiment du devoir accompli : « La meilleure crème glacée au monde ! », s’exclame France.
Ferme Caprijol
C’est sur fond sonore de bêlements de centaines de chèvres que France est accueillie chez Caprijol, la plus grosse ferme de chèvres laitières au Québec. 1 400 bêtes, dont 800 chèvres de lactation. Jean-Philippe Jolin et Marie-Pier Nadeau sont la deuxième génération sur la ferme. C’est en 2000 que la ferme est passée d’un élevage de vaches à celui des chèvres.
Le couple a pris la relève de la ferme à 100 % en 2018, mais les parents de Jean-Philippe ne sont jamais bien loin pour donner un coup de main. Comme l’a dit si bien Marie-Pier: « La beauté de la ferme, c’est que la famille y vient toujours! »
France se fait mettre au défi de nourrir les chèvres qui attendaient impatiemment leur nourriture. Elle s’est exécutée sans hésitation et a relevé le défi avec brio. Elle veut même repasser dans quelques semaines pour visiter la pouponnière, car la ferme accueillera près de 1 000 chevreaux dès septembre. À cette période de l’année, tout le monde vient donner un coup de main pour nourrir les chevreaux dont le même un groupe de grands-mamans du village qui sont des habituées.
À l’entrée de la ferme, Marie-Pier et Jean-Philippe ont ouvert un comptoir libre-service. C’est un conteneur transformé qui abrite les frigos remplis de leurs produits transformés: caramel de lait de chèvre, saucisses et fromages. Et tout repose sur le paiement d’honneur. Le comptoir est ouvert depuis deux ans et ils n’ont jamais eu de problème. L’ambassadrice de Chaudière-Appalaches «C’est rassurant d’entendre à quel point leur clientèle est digne de confiance », dit France. Pour terminer, nous avons eu droit à une dégustation des produits offerts dans un décor enchanteur où le soleil s’était mis de la partie… Est-ce que tout goûte meilleur à cause du contexte ? Pas nécessairement car au retour à la maison, sans le cadre enchanteur et la magie de la journée, tout goûte toujours aussi bon !
Houblon des Jarrets Noirs
C’est à la houblonnière Houblon des Jarrets Noirs, en Beauce, que France termine sa journée. Accueillie par Francis Gagné à l’entrée de la ferme, elle apprend qu’il est la troisième génération de la ferme aviaire, qu’il a reprise en 2012. Pour se diversifier, il a démarré la houblonnière l’année suivante. Le houblon est ce qui sert essentiellement à ajouter de l’amertume à la bière. La production beauceronne est la plus grande dans l’Est du Canada avec ses 33 000 plants permettant à près d’une centaine de microbrasseries de s’approvisionner. « Lancer ce projet a été tout un défi explique Francis, car ce n’est pas une production courante au Canada. Au début, beaucoup de recherches ont dû être faites sur le web et il existait très peu d’expertise. En effet, les grands producteurs se trouvent surtout aux États-Unis et en Allemagne ». C’est d’ailleurs là-bas que Francis a trouvé sa machinerie. Les productions sont tellement grandes en Europe que les équipements ne suffisaient plus à la demande, mais ils convenaient parfaitement au projet de notre hôte. Imaginez avoir à déménager de l’équipement d’Allemagne au Québec, en pièces détachées, puis de tout remettre ensemble. C’est ça l’entrepreneuriat !
En visitant les champs, Francis explique à France que son projet initial était de produire peu de variétés à grande échelle. « Mais j’ai appris depuis qu’il existe des tendances dans les choix de houblon et j’ai dû revoir ma planification et l’aménagement des vivaces pour ajouter différentes variétés afin de répondre aux besoins de mes clients. J’en suis à produire 24 types de houblon ». La culture demande beaucoup d’eau, quatre gallons d’eau par jour par plant. La proximité de la rivière Chaudière a permis à Francis d’installer des pompes pour s’approvisionner en eau directement à la source.
La visite s’achève sur le Biergarten des Jarrets Noirs, ouvert en juin 2021 en collaboration avec le Service des loisirs et de la culture de Saint-Bernard. Le projet a été accéléré, entre autres à cause de la pandémie. L’accès est gratuit et les gens peuvent apporter leur nourriture et le Biergarten s’occupe des rafraîchissements. Le soleil descend sur les champs de houblon et France déguste avec ravissement une bière de microbrasserie disponible sur place.
C’est déjà le temps de rentrer, la tête pleine des belles histoires des gens rencontrés au cours de la journée. « J’ai rencontré des gens de cœur, créatifs, qui ont des idées et qui les mettent en œuvre, résume France Le plaisir est toujours présent, l’entraide entre les producteurs est omniprésente. On a souvent une vision romantique du travail à la ferme, mais c’est beaucoup de travail ! ». Elle conclut en disant : « C’est toujours meilleur quand on peut mettre un nom sur notre tomate, nos framboises ou notre lait! ». Comme quoi les histoires derrière les aliments sont aussi importantes.
Écrit par Inès Duguen