L’Espace Old Mill, une table fermière moteur de changement

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Quand il a appris que le maraîcher Jean-Martin Fortier avait acheté le Old Mill à Stanbridge East pour en faire un restaurant, Éric Gendron a su que c’était le projet qui lui permettrait de prendre racine. Grâce à sa cuisine ultralocale et aux liens qu’il tisse avec les producteurs de sa région d’adoption, le chef a l’occasion de participer à la création de l’identité culinaire de Brome-Missisquoi. Il nous a parlé de sa vision d’une table fermière bien ancrée dans son territoire.

Dans la nouvelle série La table du fermier d’Unis TV, on suit Jean-Martin Fortier et ses acolytes, dont fait partie Éric Gendron, alors qu’ils tentent de donner un sens à la saisonnalité des légumes récoltés sur place. 

La cuisine de l’Espace Old Mill tire sa créativité du changement continuel dans l’approvisionnement, qui dicte les plats qui sont au menu. « J’ai beau vouloir un légume, ça se peut qu’il se passe quelque chose dans la serre et qu’il ne pousse pas! Tant qu’à vouloir tout contrôler, on se laisse un peu plus de marge, on se construit un garde-manger. Le menu est ajusté tous les jours avec ce qu’on a », raconte-t-il.

Le menu d’hiver exprime bien la diversité étourdissante qui peut être exploitée : « En ce moment, ce qu’on sert, ce sont les légumes qui ont été conservés tout l’hiver : rutabaga, carottes, panais, topinambour. Dans la serre, il y a des épinards, du kale, des bettes à carde, du céleri, différents choux chinois, de l’oseille, du chrysanthème, du persil. Là, c’est le printemps, donc on a semé des nouveaux trucs, des légumes printaniers, rabioles, kales, laitues », énumère le chef.

Dans la cuisine du Old Mill, tout, ou presque, tourne autour des saisons. Les légumes, bien sûr, sont tirés en grande majorité de la serre et des jardins qui côtoient le restaurant. Mais la viande, qui provient de carcasses entières de porcs, de pintades, de canards, d’agneaux et de bovins locaux, a aussi sa saisonnalité. 

« Il y a une saison pour l’abattage des cochons, qui va de fin mars à octobre, explique Éric. Je viens de recevoir mon premier cochon de la Ferme Selby. En octobre dernier, on a fait cinq porcs qui venaient de cette ferme-là et des Sœurs Racines. Une partie est congelée, une autre va en charcuterie, et une autre partie est servie directement. J’essaie de gérer ça pour que ça fonctionne dans le resto. On change les pièces de viande en fonction d’où on est rendu sur la bête. »

Dans La table du fermier, le duo chef-maraîcher, composé de Jean-Martin et d’Éric, visite les magnifiques pâturages où paissent les vaches de la ferme Vail. « Sur nos menus, je veux que les viandes viennent non seulement de la région, mais que ce soient des viandes qui sont élevées avec un respect pour le bien-être animal et l’agroécologie, explique Jean-Martin. C’est la condition pour manger de la viande. »

À l’Espace Old Mill, le chef Éric Gendron se laisse porter par le rythme des saisons (photo: Unis TV)

Autonome mais pas isolée

Dans l’idée d’une table fermière, il y a l’aspect de l’autonomie : on utilise un maximum de produits tirés directement de la ferme. Mais la proximité des jardins ne signifie pas que le restaurant est isolé de sa communauté, loin de là.

L’Espace Old Mill a besoin d’huiles, de vinaigres, de sel et de viandes; des ingrédients que le chef Gendron travaille parce qu’ils représentent à leur manière l’identité propre de la région de Brome-Missisquoi.

C’est ainsi qu’on peut voir Éric Gendron, accompagné de Jean-Martin Fortier, arpenter la région pour parler aux producteurs qui fourniront ce que les jardins du restaurant ne peuvent pas produire. Ces rencontres enrichissantes sont une des grandes forces de la série. On comprend mieux le caractère unique de Brome-Missisquoi à mesure que le restaurant se développe et que l’équipe tisse des liens.

« On essaie de construire un registre de saveurs bien à nous, explique-t-il. On va utiliser du verjus [le jus de raisins immatures], infuser du vinaigre de cidre local, par exemple avec de la verveine pour rappeler le citron, on va chercher nos acidités avec de la fermentation », nous explique le chef.

La boucherie, faite sur place, permet aussi de récupérer le gras, qui sert ensuite pour les cuissons de certaines viandes, en complémentarité avec les huiles végétales.

L’huile de tournesol de l’huilerie L’Arôme des champs porte beaucoup de choses sur ses épaules, entre autres pour les cuissons à basse température, les vinaigrettes et la finition. Mais l’huile de caméline a aussi sa place, notamment dans un surprenant sorbet à la caméline, et avec le poisson.

Le chef se permet quelques écarts : il ne peut pas résister à des oursins frais du Bas-du-Fleuve, dont la saison vient tout juste de commencer, ou encore à un chocolat de bonne qualité. 

Visite du vignoble Les Sœurs Racines, à Saint-Ignace-de-Stanbridge (photo: Unis TV)

« Je voulais participer à ça »

Jean-Martin Fortier veut encourager la multiplication des petites entreprises agricoles. « Ça prend beaucoup de petites fermes certifiées, authentiques, autonomes, partout sur le territoire. Il faudrait qu’on commence à comprendre qu’il y a un sérieux danger à avoir centralisé et industrialisé autant l’agriculture », soutient le jardinier-maraîcher.

Et pour que ces fermes survivent et se développent, il faut que les institutions, grandes et petites, se mettent à utiliser leurs produits.

De l’avis d’Éric Gendron, un restaurant comme l’Espace Old Mill est un accélérateur de changement : « On brasse un peu plus d’argent, on est capable d’absorber certains trucs, notre rôle, c’est un peu d’encourager les producteurs à aller vers la qualité plutôt que la quantité. Je ne veux pas dire le mot terroir, on n’est pas encore rendu là, mais il y a tous les éléments ici pour développer une région avec une spécificité. »

La série originale d’Unis TV La table du fermier, est disponible gratuitement dès maintenant sur la plateforme TV5Unis.


Photographié par Unis TV

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