Dans la prestigieuse région du Piémont, célèbre pour ses illustres Barolo et Barbaresco, les vins ont cette odeur enivrante d’un vieux bouquin poussiéreux. L’univers aromatique des vins piémontais est saisissant, mais selon Alberto Chiarlo, des vins Michele Chiarlo, il faut plus qu’une simple olfaction pour vraiment en comprendre l’essence. Sous les nuances de fruits dans de l’eau-de-vie, d’épices douces, de thé et d’éther, se cache une histoire et une culture riches dont il faut s’imprégner d’abord.
Situé dans le petit village de Calamandrana à Asti, légèrement à l’est de Barolo, le magnifique domaine Michele Chiarlo est l’accomplissement d’un travail acharné sur quatre générations. Aujourd’hui, c’est Alberto Chiarlo et son frère Stefano qui mènent le bal – l’un à la vente, l’autre à la vigne – et qui continuent de semer des graines pour la postérité. « Tout le monde dans la famille est impliqué dans le vin », affirme Alberto. De cultivateurs à vignerons, ce qui rend possible la première mise en bouteille en 1956, c’est que Michele Chiarlo, le père d’Alberto, est diplômé de l’école d’œnologie d’Alba. « L’éducation était essentielle. C’était l’évolution naturelle pour faire du meilleur vin », nous dit-il.
À Asti, c’est la Barbera qui est reine. Ce cépage indigène qui s’apprécie à la fois en jeunesse comme avec un peu d’âge est le fer de lance de la maison Michele Chiarlo. Localisée sur la partie supérieure des coteaux orientés plein sud et jouissant d’un ensoleillement maximal, la Barbera atteint sa pleine maturité tout en gardant son caractère frais et ses notes de griotte acidulée.
La cuvée Le Orme, à servir autour de 15℃, est la parfaite entrée en matière. Alberto nous met l’eau à la bouche en évoquant des accords avec « le poisson, les pâtes à la sauce tomate et le salame cotto (« salami cuit »)», l’apéritif par excellence.
« Quand tu veux t’amuser, tu bois de la Barbera », s’exclame Alberto.
Nizza : le petit nouveau du quartier
Mais attention ! « Il y a un petit nouveau dans le quartier », nous annonce Alberto: Nizza. Cette appellation, dont Stefano Chiarlo est le président, couvre 19 villages (contre 150 dans le Barbara d’Asti) et produit des vins d’une qualité supérieure en raison des rendements plus faibles et d’une meilleure sélection clonale. La Barbera de Nizza aboutit à des vins « plus puissants, dotés d’un bon potentiel de garde et propices à l’élevage en barriques ». Ils se marient à merveille avec un plat d’agnolotti (raviolis farcis de trois types de viandes différentes) nappé d’une sauce composée de jus de viande braisée et de beurre à la sauge, suggère fortement Alberto.
« Nizza devient pour la Barbera ce que Barolo est pour le Nebbiolo », dit-il.
Parlant du « monstre » – métaphore qu’il emploie pour décrire l’envergure des vins –, la famille Chiarlo produit des crus de Barolo depuis 1978. Alberto compare le Nebbiolo, l’unique cépage autorisé, à du « Pinot noir avec une armure » et à un « animal étrange » qu’il faut expliquer au client.
Sur la majestueuse commune de Barolo, impressionnante pour ses collines vertigineuses et la vue des Alpes qui la bordent au loin, se trouvent onze villages producteurs, dont le village de Barolo. Sont ensuite délimités plusieurs sites viticoles spécifiques appelés « crus ». Comme une mosaïque de terroirs, la carte des crus est dense et complexe. Il convient toutefois de souligner Cerequio (village de La Morra) et Cannubi (village de Barolo), « parmi les cinq meilleurs crus de Barolo », et sur lesquels Michele Chiarlo chouchoute ses vignes. Malgré la courte distance qui les sépare, ils diffèrent totalement dans leur style. Cela s’explique par la particularité de leur sol et de l’élévation et l’exposition des vignes.
« Cerequio produit des vins aux tanins marqués et dont les arômes sont balsamiques, viandeux, sur l’eucalyptus et les baies noires. C’est austère en bouche et séducteur au nez. En revanche, Cannubi est le prototype des vins de Barolo. Rubis foncé, exaltant des notes de fruits noirs, de chocolat, d’épices et de cuir, et structuré de tanins élégants et soyeux.»
—Alberto
Une excellente porte d’entrée à Barolo
Sur Cannubi, les vignes sont cultivées en terrasse, ce qui leur permet de jouir d’un ensoleillement maximal, d’atteindre une grande maturité et donne des vins veloutés en bouche. Alberto suggère d’ouvrir le Cannubi après six ou sept ans de maturation et d’attendre huit ou neuf ans pour Cerequio.
La meilleure porte d’entrée vers ces crus est leur Palas Barolo, qui assure plaisir et buvabilité instantanés, tout en restant abordable. Pour Alberto, c’est en regardant un film ou en dévorant un bon livre que se déguste le mieux le Barolo. « C’est parfait pour boire deux heures de temps, car il a besoin de respirer ». Barolo est évidemment un excellent partenaire de viandes grillées et braisées, comme le veau, le bœuf ou le gibier, les fromages bleus forts et les truffes.
Il est important de mentionner que Michele Chiarlo est une marque florissante qui valorise la tradition comme l’innovation, la pureté et la voie durable tant dans le vignoble qu’à cave, comme dans leur restaurant haut de gamme, le Palas Cerequio, qui s’élève au sommet du village La Morra.
« Nous croyons fermement qu’il ne faut pas masquer le produit de base. L’idée n’est pas de montrer l’ego du vigneron ni du chef. Dans le vin comme dans la bouffe, c’est la même chose, nous sommes traditionnels. La fermentation se fait en cuves ouvertes, après de longues macérations et suivie d’un élevage en foudres (botti). Nous n’avons pas changé depuis 60 ans. »
—Alberto
Lorsqu’on déguste les vins Michele Chiarlo – et n’oublions pas la cuvée Nivole Moscato d’Asti, qui ne saurait mieux boucler un bon repas! – il ne fait aucun doute que nous sommes dans le Piémont. Et, c’est ça le plus grand souhait de la famille. Mais, bien sûr, rien de mieux que d’y mettre les pieds pour vraiment s’en imprégner.Enfin, en prime d’un accueil chaleureux, d’une dégustation de vins incroyables et d’un festin visuel désarçonnant, le domaine Michele Chiarlo propose un circuit parsemé d’artefacts locaux à même le vignoble. On peut vraiment leur imputer toutes les audaces! L’Art Park La Court « s’inscrit dans un paysage reconnu au patrimoine mondial de l’UNESCO », et apporte une touche pop-art à l’ensemble de leurs installations .
« Nous aimons l’art et cherchons des excuses pour mettre de l’art dans nos vies. » De plus, « le vin est une conjonction de nature et d’art. »
—Alberto
Je parie que nous nous reverrons tous bientôt dans le Piémont !
Écrit par Gabrielle Bolland