Projet de loi sur les pourboires: quel impact pour les restaurants?
Projet de loi sur les pourboires : Le gouvernement a déposé un projet de loi qui établit que le pourboire dans les restaurants devra dorénavant être calculé sur le montant de la facture avant les taxes de vente provinciale et fédérale. À quoi s’attendre?
Quand on laisse du pourboire via un terminal de paiement au restaurant, il s’agit la plupart du temps d’un « faux pourcentage » calculé sur le montant après taxes. C’est contre cette pratique que le projet de loi 72 veut légiférer, en obligeant les entreprises de restauration à ce que les pourcentage de pourboires proposés automatiquement sur les terminaux ne prennent pas en compte les taxes. Une façon selon le gouvernement de lutter contre la « tipflation », ou inflation du pourboire, dans un contexte de hausse des prix généralisée.
Mais la grogne serait dirigée contre la mauvaise cible, puisqu’il s’agit d’une configuration des terminaux de paiement qui ne permettent pas de calculer les pourboires sur le solde des factures avant taxes.
Dans l’industrie, certains pensent que la pression du pourboire est surtout causée par les commerces qui n’offrent pas de service aux tables mais proposent tout de même des options de pourboire assez importants lors du paiement; mais c’est sur l’industrie de la restauration que se cristallise le ras-le-bol.
La hausse du montant des pourboires, liée à la hausse de celui des factures, n’est pas la faute des serveurs, souligne Marc-André Jetté, copropriétaire des restaurants Hoogan et Beaufort et Annette, à Montréal: le prix des denrées a augmenté, de même que les salaires en cuisine après la pandémie, et tout ça a un impact financier sur le prix des assiettes.
Ses salariés à lui gagnent « très bien leur vie, car le resto est très occupé »: les pourboires, dont une partie est reversée à l’équipe en cuisine, sont en moyenne de 20%, et certains clients laissent même jusqu’à 40% de la facture. « Les gens sont satisfaits du service et généreux, explique le restaurateur. La restauration est loin d’être un métier facile, et les serveurs méritent amplement leur salaire. »
Un pourboire minimum à 18%?
Pour Riccardo Bertolino, chef exécutif et consultant à The Dinex Group et ancien chef exécutif à Maison Boulud, ce n’est pas correct de calculer le pourboire après les taxes car le client n’est pas forcément au courant de la pratique, mais ce nouveau projet de loi pourrait affecter de façon significative les restaurants.
« Je suis un consommateur aussi, je comprends les deux parties. Surtout que quand j’ai un très bon service, je peux laisser 20, 25% de pourboire, et je ne suis pas le seul à le faire, raconte le chef. Je suis donc pour la transparence envers le consommateur, mais je souhaite vraiment que les clients commencent à donner plus que 15% et que les tips démarrent à 18%, car le métier le mérite. Comme ça, si la loi passe, les gens qui font du bon travail ne verront pas la différence. »
Faudra-t-il que les options de pourboire sur les terminaux commencent à 18 ou 20%, comme c’est le cas dans certains établissements? Non, pour Marc-André Jetté, qui pense que, au contraire, se faire proposer des montants trop hauts peut parfois influencer à donner moins. « Il s’agit juste de comprendre que le montant du pourboire doit être relié à la qualité de l’expérience reçue. »
Un « faux débat »
Mais si la plupart des restaurateurs prônent la transparence sur les terminaux de paiement, ils pensent également que le projet de loi, s’il est appliqué, ne changera pas grand-chose. « Il suffit de faire ses mathématiques, tranche le propriétaire du Hoogan et Beaufort. Quand on achète un produit à l’épicerie ou à la SAQ, on sait bien quel est le montant des taxes… »
Alors que le gouvernement se targue de protéger les consommateurs, certains acteurs de l’industrie pensent au contraire qu’il les infantilise, et que le montant des pourboires proposés sur le terminal de paiement, de même que la répartition de ces pourboires entre l’équipe, reste le problème du restaurateur. Quant au montant à laisser, c’est à la discrétion du client, point final.
Ce projet de loi est donc « un faux débat », pour de nombreux restaurateurs. Un débat qui relance l’éternelle question du pourboire et de ses modalités, alors que plusieurs restaurants ont déjà opté pour une formule de prix avec pourboire intégré, à l’image de larry’s à Montréal, ou encore d’Alentours, à Québec.
Écrit par Marie Pâris