Entrevue avec Joris Gutierrez Garcia sacré Meilleur sommelier des Amériques
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Après avoir remporté les titres de Meilleur Sommelier du Québec et du Canada en 2023, Joris Gutierrez Garcia ajoute une autre victoire à son palmarès: Meilleur Sommelier des Amériques – une deuxième belle victoire face aux Américains ! Une belle consécration pour le sommelier du Club Chasse et Pêche, qui a su s’imposer au terme d’une épreuve intense de trois jours, le 20 février dernier. Quelques jours après sa victoire, on a discuté avec lui de son parcours et de sa passion pour l’univers fascinant du vin.
Peux-tu nous raconter ta première rencontre avec le vin?
Je n’ai pas eu de moment précis, mais plutôt une initiation progressive. J’ai commencé à travailler en restauration à l’âge de 15-16 ans. Ma famille est européenne, et j’avais un oncle qui m’a fait goûter à plusieurs vins. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que tous les vins ne se ressemblaient pas. Le vin a toujours été présent sur la table familiale. Mais c’est vraiment à l’ITHQ, lors de mon premier cours avec Stéphane Leroux, ancien Meilleur Sommelier du Québec, que ma passion s’est développée.
Comment te prépares-tu à une compétition comme cela?
La première chose est d’établir un calendrier de préparation et de s’y tenir. Il y a des centaines de points à étudier, et il faut savoir que la compétition va bien au-delà du vin. Elle englobe tous les alcools, les territoires, les manières de production, etc. Il y a trois volets clés à la compétition :
- Un examen théorique : C’est la partie qui demande le plus de préparation. Elle est primordiale car elle influence autant le service que la dégustation. Sans ces connaissances là, on peut difficilement réussir le reste.
- La dégustation : Elle repose sur une grille analytique à laquelle on ajoute notre touche personnelle.
- Le volet pratique : C’est une évaluation du service, avec des mises en situation comme si nous étions en restaurant. Il faut rester naturel tout en étant préparé aux pièges. Les juges, souvent des Masters of Wine, ajoutent une pression supplémentaire.
Une grande partie de la préparation vient aussi de l’expérience du service au quotidien. On a beau se préparer le plus possible, mais il y a des choses qui deviennent des automatismes ou des réflexes à travers le temps.
Quel a été l’aspect le plus difficile de cette compétition?
Le niveau théorique demandé est incroyablement élevé. L’examen est très poussé, avec des calculs mathématiques, des questions sur l’exploitation du vin dans le monde… C’est extrêmement exigeant. La préparation prend un minimum de six mois. C’était la première fois que je passais un examen de ce calibre. Aussi, les organisateurs cherchent toujours à innover, ce qui nous oblige à rester constamment aux aguets. C’est pas mal à l’image de notre industrie !
As-tu déjà pu observer l’impact de ta victoire ?
Je suis définitivement un peu plus tranquille maintenant qu’avant la compétition, je prends le temps de profiter et d’être avec ma famille. J’aime animer des formations et des ateliers de dégustation, mais je n’ai pas fait cette compétition pour obtenir plus de visibilité. C’est avant tout un défi personnel, une manière de me dépasser. Ce qui me motive le plus, c’est de voir des jeunes s’intéresser à cette profession et de les voir nous pousser à être encore meilleurs.
Un accord qui te surprend encore aujourd’hui?
Le champagne avec des chips, c’est tellement bon ! Sinon, j’aime beaucoup la bière avec de la friture.
Que penses-tu de l’évolution du monde du vin en ce moment (biodynamie, vins nature, etc.)?
Je trouve ça super, notamment l’agriculture régénérative. Ça oblige les grands joueurs à se remettre en question. Mais je veux avant tout que le vin soit bon, sans avoir de surprises à chaque bouteille que j’ouvre. Il y a d’excellents vins nature comme d’excellents vins conventionnels. On est très chanceux en tant que consommateurs d’avoir accès à une aussi belle diversité.
Une région viticole ou un cépage que tu trouves sous-estimé?
Je suis un grand défenseur de la Vallée de la Loire. La qualité des vins y est superbe, avec une grande diversité. Je pense qu’on pourrait facilement monter une carte complète avec des bouteilles de la Loire. On en parle de plus en plus, mais elle reste encore sous-estimée.
Un vin à petit prix qui impressionne toujours?
Le Troncone de la maison Le Ragnaie en Toscane. C’est une belle bouteille, un peu en haut de 20$ que j’aime beaucoup.
Ton restaurant préféré pour boire un bon verre de vin?
Pour bien boire et souper : Taverne on the Square. Pour prendre un verre : Rouge Gorge.
Un restaurant sur ta bucket list?
Eleven Madison Park à New York. Beaucoup de mes mentors et de grandes figures du vin y ont travaillé. Et aussi, le restaurant Re-Naa en Norvège. J’ai eu la chance de rencontrer le sommelier et la propriétaire lors d’une compétition et ils me l’ont très bien vendu.
Si tu devais boire qu’un seul vin pour le restant de tes jours?
Les rieslings de chez Egon Müller.
Écrit par Fabie Lubin