Bertrand Bazin : un pâtissier qui fait voyager – présenté par Cacao Barry
Les créations de Bertrand Bazin sont parmi nos préférées en ville. Le pâtissier français a travaillé dans plusieurs très bons restaurants à travers le monde. Aujourd’hui, on le retrouve dans les cuisines de son propre établissement, le Café Bazin, où il pratique son art en plus de s’occuper de la carte des desserts des restaurants Park, Flyjin, Kampaï et Westwood, nouveau projet du groupe A5 à Laval.
Bertrand Bazin est né en Bretagne, plus précisément dans la ville de Rennes. Son père, pâtissier et boulanger, était propriétaire d’un café-bar qui accueillait les Rennais du matin jusqu’à tard dans la nuit. C’est donc très jeune, derrière le comptoir du restaurant familial, que Bertrand entre pour la première fois en contact avec le monde de la restauration.
Sur les bancs d’école, Bertrand comprend rapidement qu’il ne se sent pas à sa place. « J’étais très mauvais et, en France dans les années 80, il y avait seulement deux alternatives à l’école : les voies de garage ou travailler ». Ce sont donc des résultats scolaires mitigés qui amènent Bertrand à commencer son apprentissage de pâtissier à l’âge de 14 ans.
Quelques années plus tard, avec une formation de pâtissier derrière la cravate (ou le tablier), le jeune homme quitte le nid familial pour vivre sa première saison dans le monde de la restauration. Il se rend à Quiberon, dans une boulangerie qui sert les vacanciers estivaux venus dans la région pour profiter des côtes sauvages et des plages de sable fin.
« C’est à ce moment que j’ai eu la première piqûre de ce que milieu pouvait offrir. Il y en a qui travaillent toujours dans la même ville et qui veulent ouvrir leur propre boutique. Moi, j’ai découvert qu’on pouvait voyager un petit peu. Quiberon, ce n’était pas encore loin, mais à 17 ans tout était nouveau pour moi. »
Sa prochaine saison lui permet de quitter la France et de partir à la découverte de l’Irlande. Il déniche un poste dans un restaurant haut de gamme de la capitale. C’est à plus de 650 kilomètres de sa Bretagne natale que Bertrand célèbre ses 18 ans. « J’ai pris l’avion pour la première fois avant mes parents ! »
Par la suite, Bertrand Bazin passe quelques mois dans un restaurant de Londres, avant de retourner à Rennes pour aider sa famille avec l’ouverture d’une boulangerie. De saison en saison, il continue à parcourir la France en passant notamment par Chambéry, Mont-de-Lans et dans la région de Porto Vecchio en Corse. Il s’exile aussi en Allemagne pendant un an.
De retour en France, Bertrand prend momentanément ses distances de la pâtisserie et s’enrôle dans les Forces armées. « On voulait me mettre en cuisine, mais je voulais apprendre d’autres trucs. On m’a dit que si je passais ma formation en peloton d’élève sous-officier (PESO), j’obtiendrais mon permis de conduire automatiquement. Comme j’étais mauvais à l’école, c’est le permis qui m’a motivé à devenir sous-officier. »
Une fois ce permis de conduire obtenu, Bertrand se réoriente vers la pâtisserie et se rend dans les montagnes de Courchevel en Savoie pour travailler au Chabichou. Lors de son cours passage dans l’établissement quatre fois étoilé, Bertrand travaille sans compter ses heures, aux côtés de futurs grands de la profession comme Jean-François Piège. « La pâtisserie, ce n’est pas un métier que tu peux apprendre avec des journées de huit heures. Il faut vraiment que tu dépasses les bornes dans tous les sens. »
Son séjour en Savoie ne dure que deux mois. Sa mère, alors que Bertrand est toujours en poste au Chabichou, dépose pour lui une demande d’emploi dans le restaurant d’Yves Thuriès à Cordes-sur-Ciel. « Thuriès à l’époque pour nous c’était le dieu de la pâtisserie. C’était un peu le Pierre Hermé de l’époque. Je me rappelle que c’est la première fois que j’ai vu un chef pâtissier en tablier dans une Ferrari. »
Dans les cuisines de Thuriès, Bertrand fait la rencontre d’une jeune pâtissière québécoise envoyée au restaurant en stage par l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec. C’est elle qui lui parle du Québec et des possibilités qui s’offriraient à lui de l’autre côté de l’Atlantique. À la fin de la saison, Bertrand — amoureux — décide de la suivre au Canada, où le couple se marie en 1991.
Une fois au Québec, Bertrand poursuit ses habitudes de changer régulièrement de lieu de travail en rejoignant l’équipe de l’ancien Hôtel Four Seasons et, ensuite, de l’Hôtel Intercontinental. Par la suite, il abandonne le monde, trop restrictif selon lui, de l’hôtellerie pour aller travailler au restaurant Bice (aujourd’hui Béatrice). « J’étais un peu tanné des hôtels. Moi je viens d’un background où on ne compte pas ses heures et on essaye constamment d’évoluer. Dans l’hôtellerie ici, tu fais tes huit heures et après tu rentres chez toi !
Au Bice, il fait la rencontre du chef John Ledwell. C’est lui qui invite Bertrand à se joindre au projet de club privé qu’il prépare avec Daniel Langlois. Au 357c aujourd’hui fermé, Bertrand prépare desserts et pâtisseries pour les plus grands et plus influents du pays. Il y passe une quinzaine d’années et aide l’endroit à s’épanouir : il voit le club passer de deux étages à six, en plus d’une terrasse. Au cours de ces années, il côtoie plusieurs futures têtes d’affiche de la gastronomie montréalaise, comme Marc-André Royal et Antonio Park.
En 2012, le trafic du 357c ralentit alors que la réputation de ce dernier est entachée par des scandales de corruption concernant certains membres du club. Bertrand décide donc de quitter le projet pour aller rejoindre Antonio Park, un de ses anciens collègues : « Ça faisait deux ans qu’il me courtisait pour que je m’occupe des desserts de son restaurant. En plus, il avait plein de beaux projets à venir.
Bertrand Bazin prend donc en charge la carte des desserts des restaurants Park et Lavanderia. Pour centraliser le tout, il décide de réunir les cuisines pour qu’une seule desserve les deux restaurants. « C’est à ce moment qu’Antonio m’a proposé de faire quelque chose dans le local adjacent. » Ensemble, ils ouvrent en juillet 2017 le Café Bazin dans Westmount.
« Je n’avais aucune envie de faire une boutique : je trouve ça “plate” et froid. J’ai grandi dans le café-bar de mon père. J’ai passé mon enfance derrière un comptoir. Donc, c’était simplement naturel pour moi d’ouvrir un hybride café-bistro-pâtisserie ». En effet, le Café Bazin est le genre d’endroit qui se prête à toutes les occasions. Bertrand résume efficacement l’essence du projet en le décrivant comme un endroit « où tu n’as pas besoin de vraie raison pour y venir. »
Un peu étrangement diront certains, Bertrand Bazin ne parle pas de l’accomplissement d’un rêve lorsqu’il est question du Café Bazin. Pour lui, c’est plus un retour aux sources ; un retour à son enfance passée dans le café-bar familial. Il utilise son expérience pour former de futur(e)s pâtissiers/pâtissières et partager son plaisir sucré : « Ici, on laisse les jeunes faire leurs erreurs pour qu’ils comprennent le comment et le pourquoi. C’est seulement après la quatrième fois que je commence à gueuler, » conclut-il, sourire aux lèvres.
© Photo Alison Slattery – Instagram
Écrit par Jean-Philippe Tastet