Au revoir, Taverne Square Dominion

La Taverne Square Dominion annonce sa fermeture définitive La Taverne Square Dominion annonce sa fermeture définitive La Taverne Square Dominion annonce sa fermeture définitive La Taverne Square Dominion annonce sa fermeture définitive La Taverne Square Dominion annonce sa fermeture définitive

Chaque fois qu’on passe devant la Taverne Square Dominion depuis sa fermeture au tout début de la pandémie, on espère voir la lumière scintiller à travers les carreaux. Pousser la porte et tout retrouver comme on l’a quitté: le décor hors du temps, les odeurs familières, le bruit des couverts qui se mêle aux conversations.

Oh! Ce qu’on donnerait pour s’accouder à son grand bar pour siroter un mint julep. Est-ce qu’on se laisserait tenter par les bangers & mash ou une ploughman’s plate? On ne repartirait certainement pas sans avoir pris une part de sticky toffee pudding.

Mais non. Les portes du Dominion (pour les intimes) demeureront closes, nous ont confirmé Alexandre Wolosianski et Alexandre Baldwin, deux de ses quatre copropriétaires (avec Nicole Lemelin et le chef Éric Dupuis). Avec tous les souvenirs qu’elles renferment. Une autre de nos adresses chouchou à laquelle on doit dire au revoir.

La fin d’une épopée

La Taverne Square Dominion aujourd'hui.
Juillet 2022: c’est officiel, la Taverne Square Dominion n’est plus.

Lorsque le gouvernement a imposé la fermeture des restaurants en mars 2020, les partenaires du Dominion s’apprêtaient à renégocier le bail du local.

«On arrivait à une fin de bail dans quelques années. Sauf que là, la COVID arrive. Tu ne renouvelles pas un bail quand tu es fermé. Surtout pas au début, quand on pensait que c’était l’Ebola», explique Alexandre Baldwin.

«Le Dominion, c’était tellement un gros bateau que décider de le rouvrir, ça prend beaucoup de fonds, ça prend une grosse équipe», admet-il. Alexandre Wolosianski en remet: «Il nous fallait un bail, c’est sûr. Tu ne vas pas monter une équipe quand il te reste juste deux ans à un bail, c’est impossible!»

Après un hiatus de près de deux ans, le temps semblait enfin propice à repartir la machine. Les associés se sont assis avec les propriétaires de l’immeuble, mais les négociations n’ont pas abouti. «Ils ont une autre vision de l’établissement et de ce qu’ils veulent en faire. Ils semblent vouloir “redévelopper”», nous confie Alexandre Baldwin. 

Pour couronner le tout, l’annonce de travaux majeurs sur la rue Metcalfe a achevé de créer la «tempête parfaite». Il fallait se rendre à l’évidence: il ne restait plus qu’à mettre la clé dans la porte. Un coup dur pour les associés, qui avaient mis tout leur cœur – et une bonne dose de sueur – dans la taverne.

Les Années folles

Le Dominion Square Hotel, autour de 1927

La Taverne Square Dominion a ouvert discrètement un 26 décembre, en 2009. Des amis, quelques curieux qui passaient là par hasard, sans doute intrigués par la splendeur du décor, recréé minutieusement à partir d’images d’archives du restaurant du Dominion Square Hotel, inauguré pendant les Années folles. Une grande fierté pour les deux associés.

«Je sais pas si le monde voyait le souci du détail, le travail de recherche; d’aller trouver la vieille vaisselle, aller chercher les chaises à New York», confie Alexandre Wolosianski. «Je me souviens, Nicole [Lemelin, son épouse et associée] shinait des sucriers et des théières qu’on avait trouvées», poursuit-il, non sans une pointe d’émotion.

«On voulait que ça soit vrai, on voulait que tu touches, on voulait que tu sentes, on voulait que tu goûtes», renchérit son partenaire. «Tu rentrais dans cette porte-là, tu avais l’impression de voyager d’un coup. On dirait que c’était au-delà juste du décor, il y avait quelque chose dans cet espace-là», ajoute-t-il.

Puis, Lesley Chesterman encense le resto dans les pages (en papier!) de la Gazette. «Et là, ça a parti. On a eu que des critiques positives», raconte Alexandre Wolosianski.

«Call me nostalgic, but, boy, could I ever go for some of that Old World elegance and charm over the New World cynicism and cockiness. Happily, I think I’ve found a restaurant that fills that need: Dominion Square Tavern.»
—Lesley Chesterman, Montreal Gazette

100 milles à l’heure

Au plus fort de son succès, le Dominion employait 90 personnes. «On roulait à 100 milles à l’heure le midi, avant le hockey, après le hockey», se souvient Wolosianski. 

Dans leur minuscule «cuisine de bateau», ce qu’accomplissaient chaque jour le chef Éric Dupuis et son équipe relevait tout simplement du miracle. «Ce qu’on offrait, c’était unique. La qualité du service, de la bouffe, les prix auxquels on vendait ça, j’étais tellement fier de ça!», se félicite le copropriétaire.

«On avait une super bonne équipe, la clientèle était au rendez-vous. Le monde adorait ça – moi le premier. C’est une maudite belle ride qu’on a eue et on a eu énormément de plaisir à le faire», conclut-il.

«Quand l’on a repris et qu’on l’a restauré, je me disais que même si un jour ça ne nous appartient plus, on aura redonné ce local-là à la ville. Il y aura quelque chose qui reste, qui ne disparaîtra pas», ajoute Baldwin.

L’avenir nous dira ce qui restera de la Taverne Square Dominion. Mais pour les deux compères, il faut tourner la page.

Qu’est-ce qu’on vous souhaite pour la suite, messieurs?

«On se concentre sur ce qu’on a», répond Alexandre Baldwin, songeant au Bar Henrietta et à la Taverne Atlantic, les deux autres bébés du groupe. «On se souhaite du travail. Que les clients soient là et qu’on puisse offrir ce qu’on fait. Quand une place ferme, ça touche beaucoup de monde. 90 employés, c’est 90 familles.»

Pour sa part, Alexandre Wolosianski songe prendre un peu de recul des activités quotidiennes, mais restera actif à titre de consultant. «Ça fait 46 ans que je fais ça. À un moment donné… J’ai commencé à ta naissance!», lance-t-il en boutade à son fidèle collègue et ami. 

Du fond du cœur, merci pour ces onze belles années. Tu vas nous manquer, Dominion.


Photographié par Mikael Lebleu

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