Santé mentale en restauration : Valentin Rouyé souhaite briser les tabous

Tabous santé mentale

Le chef pâtissier Valentin Rouyé est en nomination pour le titre de Chef Pâtissier de l’année aux Lauriers de la gastronomie québécoise. Il figure sur la liste des finalistes non seulement pour son travail derrière les fourneaux, mais aussi pour son grand cœur et son désir de briser les tabous qui entourent les enjeux de santé mentale dans le milieu de la restauration. Victime d’un épuisement professionnel après plusieurs années de surmenage, Valentin Rouyé a frappé un mur à la fin de l’année 2019. La pandémie lui a fourni le temps nécessaire pour se remettre d’un burn-out qu’il voyait venir depuis un moment déjà.

Aujourd’hui, le chef pâtissier prend la parole pour sensibiliser les gens qui œuvrent dans la restauration aux enjeux de santé mentale et aux dangers de l’épuisement professionnel. Ce n’est pas toujours simple de réaliser que ça ne va pas lorsqu’on est absorbé par le travail, mais c’est surtout la culture du silence entourant ce phénomène qui est problématique : « Ça me courait après depuis plusieurs années, mais comme beaucoup de gens en resto, on ferme notre gueule. J’ai découvert que j’avais plus vraiment la passion. J’ai un ancien collègue que j’ai rejoint, car il avait aussi fait un burn-out. Je me suis vu dans son expérience. J’étais en train de tout perdre. Sur le plan professionnel, mais aussi personnel ».

La pression est énorme dans le milieu de la restauration. Il faut produire à un rythme effréné tout en assurant le maintien de la qualité des produits que l’on offre, souvent à court de main d’œuvre. Prendre une pause n’est pas envisageable, voire mal vu. Ce n’est pas par manque de considération de la part des employeurs, mais simplement parce que c’est la culture du milieu, une industrie qui prend une certaine fierté à ne jamais cesser de tourner : « Si on est blessé, on continue malgré ça. Par peur du jugement de nos collègues, mais aussi de notre employeur. Si on a un poste de responsabilité, on continue pour ne pas causer de problème à l’entreprise. Mais sur le long terme, c’est traître, parce que lorsqu’on tombe, on tombe pour longtemps ». Valentin Rouyé soutient que les enjeux de santé mentale demeurent tabous dans la restauration. Le fait d’avoir parlé de son expérience lui a permis de confirmer que bien des gens vivent une détresse similaire à celle qu’il a vécue : « Les enjeux de santé mentale en resto ne sont pas vraiment abordés. Quand j’ai fait mon burn-out et que j’en parlais avec des amis chefs, la majorité me disaient qu’ils fermaient leur gueule depuis des années. Ils trouvaient ça courageux de ma part d’en parler ».

La situation est toutefois appelée à changer, mais il faudra y consacrer bien des efforts afin de faire changer les mentalités : « Je pense qu’avec la pandémie, il y a beaucoup de chefs qui vont changer leur vision des choses. Reste à voir si ça va continuer quand le milieu va reprendre ou si on va se contenter de revenir aux vieilles recettes. On a les ressources, mais vont-elles être utilisées ? Si personne n’en parle, ça ne changera pas ». Valentin Rouyé prône la libération de la parole afin de briser les tabous. C’est en grande partie en osant parler de son expérience qu’il a pu passer par-dessus. Ça et avec beaucoup de repos : « Le fait d’avoir consulté un professionnel de la santé et d’en parler ouvertement m’a beaucoup aidé. Ça fait du bien d’en parler ensemble, juste mettre des mots dessus. Le fait de tout couper aussi. Malheureusement je n’ai pas trop eu le choix à ce moment-là, mais ça m’a permis de décrocher et de reprendre graduellement avec des jobs à temps partiel ».

Aujourd’hui, Valentin sort grandi de cette expérience qui lui a permis de mieux se connaître, de se recentrer sur lui. « Je sais maintenant ce que je veux faire ou ne plus faire en restauration. Je ne ferai plus les choses en me pliant aux valeurs des autres, mais en suivant les miennes ». Comme quoi un peu de recul et de temps pour soi est profitable. Il reste beaucoup de chemin à faire pour surmonter les tabous liés aux enjeux de santé mentale en restauration, mais le témoignage de Valentin Rouyé est un signe que les mentalités sont en train d’évoluer et qu’il est permis de mettre des mots sur les difficultés que l’on vit au travail. Mieux vaut prévenir que guérir !

© Photo Alison Slattery — Instagram


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