Certains restaurateurs refusent de rouvrir le 22 juin : témoignages
Rouvrir ou ne pas rouvrir le 22 juin, telle est la question du jour. Après le soulagement et l’excitation suite à l’annonce du gouvernement le 8 juin, les différents propriétaires de bars et de restaurants font maintenant face à la réalité des choses. Par réalité des choses, on entend le fameux “deux mètres” de distanciation, les masques obligatoires (visière dans certains cas), la stérilisation continuelle des surfaces communes et tant d’autres réglementations sanitaires qui risquent de changer très fortement notre expérience au restaurant.
Parmi toutes ces normes sanitaires imposées pour la réouverture des restaurants, le deux-mètres est un coup dur pour beaucoup d’entre eux. Comment espérer rouvrir si leur capacité d’accueil est réduite de 50 % ? Un récent sondage de L’Association Restauration Québec (ARQ) révélait qu’une réouverture selon ces normes ne serait que temporaire puisque 60 % de ces mêmes restaurants affirment ne pas pouvoir survivre plus de six mois dans de telles conditions. Le seuil de rentabilité d’une salle à manger semble trouver un semblant de consensus aux alentours de 75 % de capacité, alors que 39 % des restaurateurs estimeraient alors une réouverture viable.
Voici quelques témoignages de personnalités du milieu qui expliquent leur choix personnel de ne pas rouvrir le 22 juin prochain.
- Ariel Schor – Beba
« Je suis propriétaire d’un restaurant de 28 couverts dans un espace ouvert. Les cuisiniers et plongeurs s’affairent dans la même pièce où sont servis les plats des clients. Si on décide de rouvrir le 22 juin à 50 % de ma capacité d’accueil on ne pourra servir que 14 clients avec une expérience altérée par le port des masques et le deux-mètres obligatoire… Ça n’a pas de sens. De plus, la santé de mes employés et de mes clients étant ma préoccupation première, je ne suis juste pas à l’aise à l’idée de rouvrir si tôt. On a la chance de pouvoir proposer un menu à emporter qui semble plaire… tant que nous pourrons offrir cette formule à nos clients, nous le ferrons et on ajustera aux besoins. » - Lindsay Brennan – Alma
« La proximité avec les clients est au cœur de l’expérience du Alma. C’est un petit espace, les gens sont très proches les uns des autres et on ne voudrait pas que ça soit autrement… On a évidemment très hâte de pouvoir recommencer à travailler, tous les serveurs sont vraiment impatients, mais on pense avant tout à la santé de notre staff et de nos clients. On a donc pris la décision de juste ouvrir la terrasse à 50 % de sa capacité pour l’été avec un système de réservation. On espère que les gens qui réservent seront prêts à vivre une expérience différente mais adaptée avec les plats les plus populaires du menu habituel. L’espace sera agencé de façon à ce que leur expérience soit la plus agréable possible. Tinc Set restera également ouvert dans la ruelle pour toutes les commandes à emporter. » - Hilary McGown – Grumman 78
« Nous avons décidé de garder la salle à manger fermée mais nous avons de grands projets pour notre terrasse cet été. En ce qui concerne la salle à manger, l’ouverture n’est tout simplement pas possible. Essayer de respecter la distance de deux mètres, mettre des masques et des visières, désinfecter les surfaces 40 fois par heure, c’est impossible. Nous aurions également besoin de plus de personnel afin de maintenir les choses aussi aseptisées que possible, ce qui augmenterait les coûts de personnel et donc les coûts pour le client.
Nous retournons donc à nos racines : une simple taqueria avec de la nourriture sortant du camion à tacos servie dans des contenants compostables ; des bouteilles vin, de bière et de jus maison seront disponibles et, si le temps le permet, des tables seront installées sur notre terrasse. Notre objectif est de faire en sorte que Grumman reste une option abordable.
Le jeu a changé. Il a toujours été difficile de gagner de l’argent dans ce secteur avec des marges bénéficiaires très faibles et une concurrence féroce. Qui sait si cela sera possible à capacité réduite ? Nous allons tenter le coup. » - L’équipe du restaurant Le Flamant
« Force est de constater que les directives sanitaires imposées jusqu’à présent ne tiennent pas compte de la réalité d’un restaurant comme le nôtre. Les principes d’ouverture et d’immersion qui ont motivé la création du Flamant, et qui auront su vous charmer depuis bientôt un an et demi, se révèlent extrêmement problématiques dans le contexte actuel. Dans un espace où même le plongeur n’est pas caché des convives, installer des cloisons temporaires se présente comme un défi de taille…
En imposant une séparation de deux mètres entre chacun des petits groupes de convives, c’est une perte de pratiquement 70 % d’achalandage que nous devrons accuser. » - Dyan Solomon – Foxy, Olive + Gourmando, Un Po Di Piu
Dyan Solomon, co-propriétaire des restaurants Foxy, Olive + Gourmando, Un Po Di Piu se dit également très inconfortable à l’idée de rouvrir le 22 juin. Elle mentionne cette notion de culpabilité dans son rôle de propriétaire vis-à-vis de son personnel et de ses clients : « Je ne suis pas à l’aise à l’idée qu’un membre de mon équipe ou l’un de mes clients soit malade sous ma responsabilité. Je pense que c’est encore trop tôt pour rouvrir nos salles à manger. » - Ryan Gray – Nora Gray, Elena, Club Social Ps.
Ryan Gray s’exprime sur le sujet en expliquant qu’il comprend d’où vient cette annonce : “« Certains restaurants à Montréal ne peuvent plus se permettre de rester fermer plus longtemps sinon ils devront mettre la clé sous la porte mais le virus est toujours présent à Montréal et continue de se propager. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d’accueillir des clients dans un espace fermé. » Il s’en remet aux terrasses, qui pour lui seraient une solution provisoire pour que les clients puissent partager un repas sans respirer le même air.
D’autres restaurants adorés de Montréal comme Mon Lapin ou Provisions ont fait le choix de pas rouvrir leur salle à manger le 22 juin prochain pour ces mêmes raisons et souhaitent continuer leur formule à emporter jusqu’à ce que la réouverture dans des conditions réalistes soit possible.
Crédit photo :
De gauche à droite : Ariel Schor (© Alison Slattery), Lindsay Brennan (© Alison Slattery), Dyan Solomon (© Maude Chauvin 2019), Hilary McGown (trouvé sur le site internet du Grumman 78 le 12 juin 2020), Ryan Gray (© Alison Slattery)
Écrit par Inès Duguen