Stéphane Modat : le grand chef quitte le Château Frontenac pour de nouveaux défis
Stéphane Modat est né dans la région parisienne, mais a grandi à Perpignan. Né de parents qui travaillent très fort, Stéphane passe beaucoup de temps avec ses grands-parents Louis et Marie qui donnent un coup de main au nid familial. « Ils cuisinaient énormément, ils ne juraient que par la nourriture; par les produits frais, les produits locaux, les marchés — choisir la viande, ses légumes, son repas, c’était sacro-saint ». Stéphane grandit donc en cuisines, aux marchés, avec l’intention de travailler un jour en cuisine. « Je n’ai jamais voulu faire autre chose, j’ai toujours voulu travailler avec la nourriture. Toute ma vie, la famille et les amis se réunissaient autour de repas gargantuesques, c’était une célébration autour de la table et je me suis toujours vu là-dedans. Pour moi, la cuisine était source de bonheur et de partage.».
En 1992, il commence son premier stage à Banyuls-sur-Mer dans un restaurant qui s’appelle Les Elmes. Il y reste trois ans, puis tombe sur une annonce de recherche de chef de partie pour un restaurant étoilé Michelin. C’est au Jardin des Sens que les frères Pourcel accueillent le jeune Stéphane Modat qui est pris pour le poste. Le restaurant vit une année charnière puisqu’il vient d’obtenir sa 3e étoile et l’intensité est au maximum. Stéphane fait ensuite quelques stages en Suisse, puis quitte pour travailler dans un étoilé Michelin à Nice, L’univers de Christian Plumail. « De toutes mes expériences en France, j’ai appris la pression, la rigueur, le mieux-faire, mais aussi ce que je ne voulais pas être et ce que je ne voulais pas faire ».
C’est aussi là qu’il rencontre Jasmine, « Ma meilleure amie, ma blonde, la mère de mes enfants, en un seul mot la vraie chef du CLAN », avec qui il est depuis. Plusieurs jeunes Québécoises et Québécois font un stage en France et c’est le coup de foudre pour Stéphane et Jasmine ! Cette dernière doit revenir au Québec pour passer ses examens et Stéphane est ouvert à venir. En 2000, alors qu’il a 22 ans, Stéphane Modat débarque donc au Québec. « Je suis tombé en amour avec Québec, avec la taille de la ville, la vibe, j’ai plus jamais pensé aller ailleurs ».
Quand il arrive ici, il commence par déposer une demande de résidence permanente et repeint l’appart tous les mois (rires). Il se fait un ami qui distribue le café au restaurant L’Initiale et obtient un rendez-vous. Il est tout de suite embauché, y reste trois ans et finit sous-chef. « J’ai adoré mon expérience. Le propriétaire Yvan Lebrun était super ouvert et on a eu beaucoup de fous rire. À l’époque on faisait 110-120 couverts, on poussait toujours la machine. C’est le premier resto où j’ai travaillé en arrivant ici. J’y ai appris les démarches pour trouver les fournisseurs, le dynamisme, les opérations ».
Il y rencontre aussi un collègue serveur et ils décident de lancer un projet ensemble : l’Utopie sur la rue Saint-Joseph. « Le quartier était plus dur à l’époque. Quelque temps après, la salle de spectacle à côté est devenue disponible et on a décidé de faire Le Cercle. Le projet était super beau, ça a réveillé quelque chose en moi, en la ville, ça a beaucoup grouillé et j’ai beaucoup grandi au travers de tout ça. Et puis, ça commençait à aller moins bien avec les associés et j’ai décidé de partir ».
Stéphane rencontre alors François Chartier et commence à faire pas mal de choses avec lui. « En octobre 2008, j’ai même pensé ne plus travailler en cuisine. C’était fini, je voulais faire autre chose ». Stéphane fait des livres, de la télé, participe à des événements et joue avec les molécules aromatiques. « Faire de la télé et des médias, ça m’a amené une nouvelle vision sur la cuisine conventionnelle. J’ai fait ça deux ans. J’y ai appris que c’est un excellent médium pour passer tes messages. Si tu as un discours, que tu es sur ton X, ça peut changer une vie ».
Et puis un jour il rencontre dans un souper entre amis monsieur Robert Mercure, le directeur général du Château Frontenac. Il se fait questionner. « La cuisine me manquait énormément ». Au bout d’un an de discussions avec lui, après les rénovations du château, il commence à y travailler. L’échec n’est pas une option ; il a pour mission de rebâtir toute la restauration du célèbre hôtel (les restaurants), et d’amener une dynamique différente. Il obtient carte blanche et construit le restaurant de l’hôtel comme si c’était chez lui.
Ce que Stéphane Modat a vraiment changé dans la restauration du célèbre hôtel Fairmont est l’importance de la mise en valeur des producteurs derrière les assiettes. « C’est super important pour moi. C’est pas une publicité; je le fais parce que c’est la normalité, c’est la famille ».
À travers un cadre rigide, il a réussi à changer le fonctionnement d’une grosse machine pour y faire briller les producteurs locaux et y construire des menus exceptionnels. Comment a-t-il pu changer le fonctionnement d’une si grosse machine ? « Tu leur prouves avec des circuits courts. A + B ; tu le fais de la bonne façon et ils n’ont pas le choix d’être d’accord puisque ça fonctionne. Il faut se battre pour ses convictions ! ». Le château Frontenac compte maintenant à la carte de ses restaurants 90 à 98 % de produits du terroir et Stéphane a d’ailleurs remporté le prix de restaurateur de l’année de Aliments du Québec au Menu. « Mais c’est plus que ça, c’est possible de mettre un prénom sur tous les ingrédients de notre menu. Ce sont les rencontres que tu fais, les gens qui t’amènent à faire des rencontres qui font que ce qu’on fait est si extraordinaire. Je prends beaucoup de plaisir à faire découvrir la richesse énorme du Québec ». Et nous un immense plaisir à la déguster !
Le 30 janvier 2021, Stéphane Modat a annoncé via ses réseaux sociaux quitter le Château Frontenac. « Après plusieurs années extraordinaires passées au Château Frontenac, je décide aujourd’hui de tourner la page et de quitter pour de nouvelles aventures.
Dans la vie, le plus important est de rester vrai et intègre avec ses valeurs, de rêver grand, de toujours repousser plus loin sa zone de confort.
J’ai une pensée très spéciale pour toute mes équipes qui ont pris part à notre projet de réaliser l’extraordinairement grandiose. Nous avons accompli tellement et ne doutez pas que vous avez fait partie de cette réussite. Je vous souhaite le meilleur pour la suite, je serai toujours là pour vous.
Vous, les artisans, producteurs, et tous ceux qui ont alimenté ma créativité, on va continuer à travailler ensemble, parce que nous sommes là grâce à vous. Je vous adore.
À tous les invités qui ont passé les portes du Champlain, je vous remercie de la confiance et des belles soirées que nous avons passées ensemble. J’ai hâte de vous revoir.
Pour l’instant ma tête bouillonne de projets et d’idées plus folles les unes que les autres, mais il y en a une qui m’allume pas mal.
Je vous promets que je ne vous laisserai pas sans nouvelles longtemps,
Plus que jamais, Vive Le Clan ».
On vous tient au courant de la suite de ses aventures, qui nous en sommes certains, feront rayonner les producteurs et la gastronomie de chez nous à travers sa créativité débordante.
Écrit par Élise Tastet