Maksim Morin du Chien Fumant : vieillir comme le bon vin
« Il est intéressant de constater que nous sommes partis d’une carte des vins à huit bouteilles et qu’elle est désormais quasi épaisse comme la Bible. Que les murs du restaurant servaient autrefois d’ardoise et qu’ils sont aujourd’hui décorés par de magnifiques tableaux. Ce qui est encore plus fascinant, c’est que nous servions auparavant 130 clients par soir et 28 aujourd’hui ». Entretien avec Maksim Morin, chef copropriétaire du restaurant Chien Fumant.
Rester fidèle à soi-même
Le Chien Fumant de 2009 n’est définitivement pas celui que l’on connaît aujourd’hui et sera probablement très différent dans cinq ans. « Nous sommes notre propre clientèle cible. Il faut comprendre que nous avons ouvert le Chien pour avoir un endroit où faire la fête, bien manger et boire jusqu’aux petites heures alors qu’on était jeunes, fringants et légèrement disjonctés. On y mangeait pour 30 $, la musique était toujours dans le tapis. On était un genre de refuge pour le monde de l’industrie de la restauration qui voulait continuer à vivre après leur quart de travail ainsi que pour les amoureux de la nuit », raconte le chef.
Car Le Chien Fumant évolue et grandit avec ses maîtres, il est actuellement beaucoup plus calme, posé et mature qu’à son ouverture. « Nous préconisons désormais une formule haut de gamme. Nous proposons ce que nous aimons ; de bons vins, des produits d’exceptions et un service professionnel », continue-t-il.
Ce qui est certain, c’est que peu importe l’époque, le Chien Fumant a toujours été porté par Maksim Morin et sa passion pour la cuisine. Le restaurant doit, en grande partie, son succès et sa réputation au chef qui y compose les menus depuis son ouverture. « J’ai commencé à travailler adolescent à la plonge dans des restaurants. Obsédé par l’industrie, j’ai décidé de suivre une formation professionnelle de cuisine à Laval. On parle de l’époque où personne ne rêvait d’être chef au Québec. Mes camarades de classe étaient majoritairement des repris de justice et des jeunes délinquants. Moi, j’étais passionné et avide de connaissances », explique Maksim. Il travaille par la suite quelques années au Joe Beef avant de se lancer en affaire au tout début de sa vingtaine.
Bien que le chef soit aujourd’hui impliqué dans plusieurs autres projets et entreprises, il signe tous les menus du restaurant de la rue Lanaudière. « Je suis au Chien quotidiennement, c’est ma deuxième maison. Je me fais un devoir d’être sur place à presque tous les services afin de m’assurer du bon déroulement de la soirée », continue-t-il.
De vendre des croissants à vendre de l’art
La « pâtisserie »
Si Maksim et son partenaire d’affaire Nicolas Gamache ont toujours été passionnés par le monde des arts, ils ne se doutaient pas que l’ouverture du Chien Fumant en 2009 les mènerait à l’inauguration d’un lieu événementiel et artistique où ils vendraient des pièces d’art.
Il est impératif de retourner quelques années en arrière afin de comprendre comment tout cela est arrivé.
« Peu de temps après l’ouverture du Chien, quelqu’un nous a approché afin qu’on devienne ses fournisseurs de croissants. Nous n’avions pas le matériel, la place, ni les qualifications pour le faire, mais nous avons accepté le contrat », raconte Maksim.
C’est ainsi que Les Touriers a vu le jour. À la base installée illégalement dans un appartement voisin du restaurant, la pâtisserie déménage plusieurs fois avant d’être finalement vendue. « Le premier déménagement s’est fait en pleine nuit. On a reçu une notice de la Ville comme quoi ils allaient venir le lendemain inspecter les lieux. On avait littéralement construit une pâtisserie dans un trois et demi du plateau. En une nuit, on a déménagé tout le matériel et reposé les meubles afin d’éviter tout problème avec la municipalité — mission accomplie ! », raconte le chef.
De fil en aiguille, l’entreprise prend de l’expansion et est finalement venue. « Ce qu’il faut retenir, c’est que la pâtisserie nous servait aussi d’entrepôt pour tout le matériel nécessaire à nos services traiteur. Quand on a vendu Les Touriers, on s’est retrouvé dénudé, on devait trouver un nouvel endroit où disposer tout cet équipement. C’est ainsi qu’est né Le Golden Crab, notre salle d’évènements privés qui fait aussi office de galerie d’art. »
Une passion pour l’art
Les murs du Chien Fumant sont recouverts de tableaux. Il est intéressant de souligner l’histoire derrière l’acquisition de la première toile des Maskim et Nicolas : Everything is Prana, de John Barkley. « On était très “chaudasse” dans un encan pour un évènement caritatif. On s’est dit qu’il fallait participer et on a alors décidé d’acheter une toile. Ce qui est drôle, c’est que Nicolas a surenchéri sa propre offre pour gagner la mise. On a payé un peu plus cher qu’on aurait dû, mais au moins c’était pour une bonne cause » confie le chef, amusé.
Avec les années, Maksim et Nicolas ont acquis plusieurs œuvres d’art qu’ils vendent via leur nouveau projet : Le Golden Crab. « Nous y proposons des œuvres de tout genre, passant du contemporain urbain à des Riopelle. Quand un acheteur désire se procurer une toile, nous le recevons à manger au Golden Crab et on discute autour d’une bonne bouteille de vin. C’est comme ça qu’on sait faire, alors c’est ce qu’on fait. Ça change de la dynamique snob et guindée des galeries conventionnelles. En général, les acheteurs apprécient cette attention », termine Maksim.
Tout comme le bon vin, Maksim Morin et ses projets vieillissent à merveille. Le talentueux chef à plusieurs chapeaux semble avoir compris que le succès en affaires réside dans la passion et l’intégrité.
« Tout ce que je fais, je le fais intensément… that’s it! »
—Maksim Morin
Écrit par Gabriel Belzile