Mike Lafaille : l’étoile montante de la cuisine caribéenne

Mike Lafaille

Si vous avez déjà eu l’occasion de vous rendre au Kwizinn, vous savez qu’il s’agit d’une expérience hors du commun, teintée de saveurs caribéennes raffinées et d’une ambiance animée. Mais derrière ce succès se cache l’histoire inspirante de Mike Lafaille, un chef autodidacte qui a su surmonter de nombreux défis pour se tailler une place de choix dans le paysage gastronomique montréalais.

Un parcours hors norme

Né en Haïti, Mike Lafaille immigre au Canada après le tremblement de terre dévastateur de 2010 avec son père. C’est là qu’il a entamé sa carrière dans le domaine de la santé, avant d’effectuer un virage décisif vers la restauration en 2013 en rejoignant le restaurant O’noir. Atteint de dégénérescence maculaire juvénile, Mike a trouvé dans ce restaurant inclusif, où les repas se prennent dans l’obscurité totale, un environnement parfaitement adapté à ses compétences et à son handicap. Il y a travaillé comme serveur et maître d’hôtel jusqu’en 2017. « Psychologiquement parlant, c’est très difficile d’évoluer dans un milieu de travail en étant la seule personne avec un handicap. Au O’noir, j’ai côtoyé une quinzaine de collègues aveugles ou ayant des handicaps visuels […] ça a beaucoup aidé », souligne Mike.

Une passion dévorante

En 2016, Mike commence à chercher d’autres opportunités, mais il se heurte aux difficultés liées à son handicap visuel. C’est alors que lui et sa conjointe Claudia Fio prennent une décision audacieuse: ouvrir leur propre restaurant sur la rue St-Hubert. Ce petit comptoir de 30 places, qu’ils envisageaient au départ de gérer à temps partiel, devient rapidement leur principale occupation, les poussant à quitter leurs emplois respectifs pour s’y consacrer pleinement dès 2017.

« La cuisine a toujours été ma passion. Plus jeune, je cuisinais beaucoup avec mes tantes en Haïti », explique Mike. Autodidacte, le chef s’entoure de Claudia et de leurs familles pour développer une palette de goûts propre au Kwizinn. Celle-ci est riche en saveurs, marquée par l’utilisation de plusieurs épices et aromates. 

Face aux défis logistiques de la Plaza St-Hubert, ils décident de déménager leur établissement à Verdun, où Mike réside depuis 2016, avant que la situation ne devienne critique. « Verdun a toujours été un quartier que j’adore pour son côté petit village, j’y réside encore aujourd’hui […] notre loyer expirait et on arrivait pas à trouver autre chose à Verdun », explique-t-il. C’est ainsi qu’il décide de reprendre l’ancien local de Chez L’Épicier. Ici, sa cuisine se réinvente dans un style plus moderne, raffiné et éclectique. Malgré la perte de certains clients réguliers, Mike et Claudia voient cette transition comme une opportunité de réaliser leurs aspirations gastronomiques et d’introduire des plats innovants. « Ce que l’on fait maintenant est complètement différent de ce qu’on offrait à notre arrivée à Verdun. Après 7 ans, j’avais besoin de me renouveler et de pousser mes limites. Lorsqu’un chef caribéen ouvre un restaurant, on s’attend automatiquement à ce qu’il cuisine des plats typiques de son enfance, mais ce n’est plus ce que je veux faire », souligne le chef. Effectivement, dans son nouveau local, Mike sort des sentiers battus et propose un menu évolutif qu’on ne retrouve pas ailleurs et qui allie les saveurs vibrantes des Caraïbes aux produits d’artisans d’ici. Il prend des risques et ne cesse de repousser les limites, enrichissant chaque jour un peu plus la scène gastronomique de Montréal.

Un chef engagé

Mike Lafaille n’est pas seulement un chef talentueux, il est aussi un défenseur actif des droits des travailleurs et s’implique auprès de diverses causes. Son parcours, marqué par la résilience et le courage, prouve que les limites sont souvent celles que l’on se fixe soi-même. La pandémie a changé la dynamique du marché du travail et Mike observe que, malgré les difficultés, les opportunités pour les personnes handicapées dans le domaine de la restauration sont plus nombreuses aujourd’hui qu’auparavant.

Lorsqu’on a demandé à Mike comment il entrevoit le futur, il nous répond: « Je vois grand pour l’avenir. Je ne sais pas trop ce qui s’en vient, mais j’ai toujours plein de projets. Je rêve d’une terrasse sur le toit de mon restaurant. Peut-être que je prendrai ma retraite avec mon food truck ». En passant, si vous tombez sur le food truck de Kwizinn, ne passez pas à côté des beignets à l’érable et au scotch bonnet (!).

Après cette fabuleuse discussion avec Mike, nous savons maintenant que son ingrédient favori en cuisine est le scotch bonnet et que son restaurant préféré à Montréal est le Street Monkeys. Mais nous avons surtout découvert que c’est un exemple de détermination et de passion. Son parcours montre que même face aux plus grands défis, il est possible de réaliser ses rêves. Avec une belle communauté qui le suit, Mike continue de redéfinir la cuisine caribéenne à Montréal, un plat à la fois.


Photographié par Alison Slattery

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