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Auberge Saint-Mathieu: haute gastronomie forestière en Mauricie

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À l’entrée du parc de la Mauricie, dans le petit village de Saint-Mathieu-du-Parc, se cache une grande table encore méconnue. À la barre de l’Auberge Saint-Mathieu, le chef Samy Benabed et sa joyeuse brigade font briller la gastronomie locale dans un cadre enchanteur et accueillant, à un prix très accessible par-dessus le marché. Une adresse qui mérite assurément tous les éloges qu’elle reçoit depuis sa résurrection en 2023!

Derrière ce petit bijou, il y a quatre jeunes gens fort sympathiques: Samy Benabed, Nicholas Trottier-Lacourse, Étienne Prudhomme et Florent Borrel. Les associés, tous dans la jeune trentaine, ont grandi dans la région, sauf Florent, un Français établi au Québec depuis plusieurs années, qui est tombé en amour avec l’auberge lorsqu’il y a séjourné en 2022, au point de devenir partenaire. Chacun y apporte son expertise: pour Nicolas, qui a grandi a l’auberge avant de faire des études en économie, c’est l’administration et les chiffres; Samy (ex-Hotel Herman, Mousso et Relae à Copenhague), c’est la cuisine; Étienne, qui a travaillé en salle dans plusieurs établissements à Montréal (Garde-Manger, Liverpool House, Pastel) avant de s’exiler pour ouvrir des bars à cocktails en Australie et en Nouvelle-Zélande, c’est le service, le vin et les cocktails; finalement, Florent, qui a géré des fromageries en France et ici (Fromagerie Ruban Bleu à Chateaugay), pilote le comptoir-buvette avec la cheffe Jana Larose.

L’histoire de l’Auberge Saint-Mathieu du Lac a débuté dans les années 1990, lorsque Louise et Jean-Marcel, les parents de Nicholas, se sont portés acquéreurs d’un chalet et d’un terrain au bord du lac Bellemare, à Saint-Mathieu-du-Parc, avec l’idée d’en faire un bed & breakfast. Le projet a vite pris de l’ampleur pour devenir une auberge de dix chambres avec un restaurant, qui a accueilli pendant plus d’un quart de siècle des touristes majoritairement européens venus découvrir les vastes espaces du parc de la Mauricie. Puis, il y a quelques années, Louise et Jean-Marcel commençaient à songer à leur retraite. Nicholas et Samy ont alors proposé de reprendre l’auberge. «J’ai toujours voulu avoir un type de table champêtre dans un milieu rural», raconte Samy. «Ma famille est encore en Mauricie, c’était une belle opportunité.»

Après avoir testé les eaux en opérant le restaurant pendant deux étés, les deux amis d’enfance sont officiellement devenus propriétaires, avec Étienne et Florent qui les ont rejoints entretemps, et se sont lancés dans les rénovations du restaurant et de l’auberge. C’est en mai 2023 qu’a eu lieu la grande réouverture de l’Auberge Saint-Mathieu (sans le «du Lac», pour faire plus court), dans une nouvelle incarnation plus à l’image de la jeune équipée.

De l’Hôtel Herman à l’Auberge Saint-Mathieu

Samy Benabed a fait ses classes à l’Hotel Herman, puis au restaurant Chez L’Épicier sous la tutelle de Laurent Godbout, chez Mousso et au défunt Relae, grande table étoilée de Copenhague. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a le vent dans les voiles depuis quelques années: il s’est classé parmi les finalistes pour la San Pellegrino Young Chef Academy en 2022, avant d’être sacré Révélation de l’année aux Lauriers de la gastronomie l’année suivante, puis nommé dans les catégories Chef.fe de l’année et Restaurant de l’année de l’édition 2024. Nos attentes étaient donc très élevées lorsque nous nous sommes attablés à son restaurant.

D’emblée, on aime le charme rustique et fait main du décor. Ici, pas de nappes blanches ou de design scandinave austère: l’auberge, construite par le père de Nicholas (qui y a d’ailleurs laissé quelques doigts), conserve son cachet d’antan, avec quelques améliorations, notamment une cuisine toute neuve et le mobilier et les luminaires créés par Michel Rousseau, un artisan-récupérateur de la région qui travaille le bois recyclé. La salle à manger compte deux douzaines de places et offre un coup d’œil incomparable sur les couchers de soleil avec ses grandes fenêtres qui plongent vers le lac Bellemare.

Les chambres, situées dans le même bâtiment que le restaurant, ne sont pas d’un luxe inouï, mais elles sont propres et confortables et jouissent d’une très jolie vue du côté lac. Pour le moment, seulement trois des dix chambres ont été rénovées, mais les autres suivront bientôt. (L’auberge fermera d’ailleurs ses portes en avril le temps de quelques travaux de rénovation.)

Dans le bâtiment voisin, on retrouve le Comptoir buvette et emplettes, qui opère pendant la haute saison, de juin à octobre. «Dans la journée, c’est une épicerie fine avec des sandwiches et des petites boîtes à pique-nique que tu peux apporter au parc de la Mauricie. Le soir, c’est un restaurant plus traditionnel avec des beaux petits vins, de la bonne bouffe», nous explique Étienne. Pouvant accueillir une quarantaine de personnes, plus une trentaine en terrasse, la buvette est le terrain de jeu de la cheffe Jana Larose, jusqu’à tout récemment sous-cheffe de Samy à l’auberge. Une excellente alternative si vous comptez séjourner plusieurs nuits à l’auberge ou si vous voyagez avec des enfants.

Cuisine du moment et produits d’exception

Mais revenons à la cuisine, puisque c’est ce qui nous intéresse particulièrement ici. Bien qu’on lui ait souvent accolé l’étiquette de «cuisine nordique», Samy Benabed laisse libre cours à son imagination pour créer son menu. «C’est une cuisine du moment, en termes de produit et en termes d’inspiration. On n’est pas locavoristes purs et durs, on se permet d’aller chercher des produits d’exception quand ça fait du sens, en cuisine comme pour les vins», précise-t-il.  

Étienne, qui s’occupe de la carte des vins avec l’aide du sommelier Alexandre Gagnon (Montréal Plaza, Hoogan & Beaufort), abonde dans le même sens: «On reste dans le bio, mais on ne se limite pas juste au vin nature. On essaie de jouer avec des vins qui sont plus gastronomiques pour les accords», poursuit-il. Le bar propose aussi une courte sélection d’excellents cocktails signature, dans lesquels vous ne trouverez par ailleurs aucun agrume. «Ça marque beaucoup le menu. On utilise plutôt du verjus, du jus de rhubarbe, des fruits d’été», se félicite le mixologue. 

Après avoir siroté un verre au bar, on est fins prêts à passer à table. L’auberge propose deux formules: le Forfait gourmet, en quatre services, et le Forfait gastronomique, un menu dégustation de huit services, avec accords en extra dans les deux cas. Nous avons évidemment choisi la seconde option. Pour quelque 170$ par personne, nuitée et petit déjeuner compris, c’est une véritable aubaine.

Le repas débute avec une mise en bouche, tartelette craquante aux bourgots des Îles et céleri rave. Très belle entrée en matière! Suit la «salade de chou» («Crémeuse et traditionnelle», précise le chef, qui vient nous la servir en personne, un clin d’œil à son père, livreur chez Ti-Coq à Trois-Rivières): de fines lamelles de chou fermenté avec des pois wasabi et des noix de noyer cendré de la ferme Prendre Racine, cachés sous un espuma de ciboulette qui fond sur la langue comme de la barbe à papa. Déroutant jeu de texture. Le crudo de pétoncle, servi dans un dashi d’une superbe délicatesse, avec rutabaga de la Coop La Charrette, huile de piment hancho, graines de citrouille et gingembre frais du Québec, est tout aussi exquis. On poursuit avec une jolie rose de betterave au jus de camerise, salsepareille, aralie à grappes, caprons de sureau et poivre des dunes, qui se marie à merveille avec le pinot noir polonais proposé en accord.

En guise d’interlude, notre sympathique serveur dépose ensuite sur la table deux épaisses tranches de pain au levain fermenté 72h de la boulangerie Des pains et des roses à Trois-Rivières, avec un beurre noisette au miel de bleuet de Luc, l’oncle d’Étienne. Conseil d’ami: gardez-en un peu pour racler la sauce des plats qui suivront, même si la tentation de l’engloutir sur le champ est forte.

On enchaine avec le flétan, cuit à la perfection dans une papillote de kombu. Caché sous un craquelin au shiso, nori et sésame et de fines tranches de pomme de terre fondantes, puis déposé sur un beurre nantais crémé, c’est sans doute le clou de la soirée. La longe de porc qui suit provient de la boucherie Au Pignon Vert à Saint-Liguori et est accompagnée d’un trio de purées et d’une glace aux trois viandes (pintade, cerf et veau) montée au mirin et au beurre. Impeccable encore une fois.

Puis, pour conclure, deux desserts: une pavlova farcie de chocolat blanc au mélilot, avec pousses de tagette, mélisse, argousier et piment hancho, suivie d’une tarte au sucre sur pâte phyllo façon baklava, crumble de noix de noyer cendré et pacanes, poudre d’ail noir et glace au yogourt. On vous laisse deviner si on a aimé.

Tout au long du repas, l’équipe en salle navigue d’une table à l’autre avec entrain. Pas de serveurs guindés en blouses blanches ici, que des jeunes gens affairés visiblement très heureux de nous faire passer un beau moment. Ne soyez d’ailleurs pas surpris de voir le chef ou le maître d’hôtel jaser avec les clients dans le foyer à la fin du repas. Ça fait partie de l’expérience. «On a mis en place un style de service où il y a beaucoup de rigueur, c’est très professionnel, mais en même temps, on est familiers là où c’est important», assure Étienne. «Ce n’est pas qu’un restaurant, c’est une destination que les gens viennent visiter. On essaie d’offrir une expérience complète, que les gens se sentent bien quand ils arrivent et quand ils repartent.»

C’était en tout cas mission accomplie en ce qui nous concerne. Nous avons été comblés du début à la fin de notre séjour à l’Auberge Saint-Mathieu. Nous espérons que vous le serez tout autant.

Bonne découverte!


Photographié par Lea Souligny et Ariane Samson





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