Sabayon: le retour de Patrice à la maison
Quand Patrice Demers est parti, tout le monde a été triste. Certains ont même été désemparés. Où allait-on se procurer toutes les gourmandises que l’on trouvait chez Patrice Pâtissier? Tous ces gâteaux et tout le reste ?
Au moins, a-t-il emporté avec lui son épouse, âme sœur, présidente du fan club etc… Et puis, Patrice a dit qu’ils fermaient leur pâtisserie et partaient à New York, à Brooklyn plus précisément chez Laundromat. Leurs inconditionnels les ont suivis dans la Grosse Pomme et ont, pour plusieurs, découvert que le pâtissier était plus que cela. Beaucoup plus. Notamment un excellent chef. On attendait.
On n’attend plus. Depuis le 17 août, Patrice et Marie-Josée sont revenus chez nous dans le quartier où ils vivent depuis une douzaine d’années. Ils sont revenus chez eux, à Pointe Saint-Charles, dans un très joli endroit baptisé Sabayon, conçu par Mathieu Leclerc du Studio Knowhow. Un lieu très clair, très lumineux, à l’image de ses occupants.
Venus pour y apprendre du maître ou pour déguster ses assiettes, on en ressortira sûrement illuminés, la cuisine de Patrice ayant déjà prouvé qu’elle planait au-dessus de bien des marmites locales ou autres. Patrice y donne des cours de cuisine et dès le 21 septembre, Marie-Josée et lui y accueilleront clientes et clients pour souper. Menus fixes, réservations préalables et trois soirs par semaine 14 personnes auront la chance de savourer des plats hors du commun. Le samedi, il y aura aussi des thés de l’après-midi avec des gâteries préparées par le chef; trois services de desserts et 3 thés. Cette fois-ci, toujours autour du nombre magique de 14, deux groupes pourront goûter.
Tout chez Sabayon se passe sur réservation, ce qui permettra au joyeux couple de demeurer joyeux et de nous gâter. On n’en pouvait plus d’attendre. Merci d’être revenus et comme ils disent à Brooklyn: « Bienvenue chez vous !»
Afin d’en savoir un peu plus sur ces deux personnes que nous aimons beaucoup, comme quelques milliers de gourmandes et de gourmands, nous leur avons posé quelques questions. Que voici…
Vos premiers pas en cuisine à la maison ?
Marie-Josée : Avec ma grand-mère maternelle, Juliette, je la regardais cuisiner en revenant de l’école. Ma recette de sauce à spaghettis est la sienne (avec quelques ajustements! ;-).
Patrice : Éplucher des pommes avec ma mère pour préparer des tartes.
Vos premiers pas en cuisine pro ?
MJ. : Mon père a acheté un restaurant à Shawinigan quand j’avais 12 ans, donc dès mes 14 ans j’ai été hôtesse, buss girl, serveuse, etc… Je n’ai jamais travaillé ailleurs que dans un restaurant ou un hôtel!
P. : Au restaurant La Gaudriole sur la rue Laurier, je devais faire une journée d’observation et finalement, Marc Vézina, le chef m’a fait préparer les desserts et les entrées.
Comment qualifieriez-vous ce retour à Montréal ? Et pourquoi Pointe Saint-Charles ?
MJ. : Nous habitons Pointe Saint-Charles depuis 2011, à deux coins de rue de Sabayon, nous adorons le quartier et nous sommes tellement heureux d’avoir eu la chance de trouver un local aussi près de la maison!
P. : Cette expérience à New York était en bonne partie pour confirmer notre choix de se relancer en affaire et d’ouvrir un restaurant. Pour moi, c’était une occasion de prouver que je pouvais aussi cuisiner du salé et pas seulement des desserts.
Pourquoi une si modeste structure d’accueil, juste vous deux ?
MJ. : Parce que les courbes démographiques et les seuils d’immigration démontrent que nous serons en pénurie de main-d’œuvre pour les cinq à six prochaines années, nous voulions un modèle d’affaires qui ne dépend pas la main-d’œuvre. Mais surtout parce qu’on aime beaucoup accueillir les clients nous-mêmes, on voulait être juste nous deux et accueillir les clients comme à la maison.
P. : On travaille ensemble depuis près de 15 ans et je pense que nous sommes une équipe hyper efficace et très complémentaire. Nous avons aussi compris durant les dernières années que la gestion des employés n’était pas nécessairement notre force.
Votre plat préféré (pour vous-même) ?
MJ. : Probablement un Cacio e Pepe ou les kouign amann de Patrice!
P. : Des pâtes!!!
Votre dessert préféré à préparer pour la clientèle de Sabayon ?
MJ. : J’adore voir l’émerveillement dans les yeux des clients quand on leur sert un dessert surprenant.
P. : Assurément ma dernière création, j’aime modifier mon menu constamment, cuisiner les produits de saison et tenter de créer des desserts à la fois surprenant et vraiment délicieux.
Quelle importance occupe la proximité des produits dans vos créations ?
MJ. : Très important, autant pour les breuvages que pour les plats de Patrice. Nous avons les sodas de Fin Soda, nous aurons des spiritueux et des vins québécois sur notre carte des vins.
P. : Connaître celui ou celle qui est derrière nos ingrédients est vraiment inspirant. En voyageant, on réalise à quel point nous sommes privilégiés de par la qualité et la variété des produits disponibles au Québec.
Comment percevez-vous le ralentissement actuel de l’achalandage des restaurants?
MJ. : Nous avons la chance d’avoir des clients très fidèles, et comme notre modèle d’affaires dépend de seulement 14 clients à la fois, c’est plus simple que remplir un restaurant de 70 places à chaque soir.
P. : La hausse importante des coûts d’opération pour les restaurateurs ne laisse d’autre choix que d’augmenter les prix pour assurer une rentabilité. Par contre, ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre de continuer de sortir aussi souvent au resto. Les restaurateurs doivent trouver des moyens pour se distinguer, offrir une expérience unique à leur clientèle.
Avec quelle cheffe ou quel chef aimeriez-vous prendre un repas ?
MJ. : Adeline Grattard de Yam’Tcha à Paris, j’ai eu la chance de la voir à Omnivore Paris en 2019 et j’en avais les larmes aux yeux. J’aimerais avoir la chance de manger avec elle et d’échanger sur son parcours.
P. : À l’époque où j’étudiais à l’école hôtelière, j’ai eu la chance de manger à deux reprises au Jongleux Café sur St-Denis. La cuisine de Nicolas Jongleux m’avait jeté par terre, je n’avais jamais goûté rien de tel, autant au niveau du salé que des desserts. Malheureusement, il est parti beaucoup trop vite et je n’ai jamais eu la chance de le rencontrer.
Et quels seraient le plat et le dessert idéaux ?
MJ. : Ce qu’Adeline Grattard aurait envie de cuisiner, c’est toujours mieux de laisser les chefs suivre leur inspiration que de leur demander quelque chose de précis!!!
P. : Sans aucun doute un ris de veau et sa tatin aux dattes.
Écrit par Jean-Philippe Tastet
Photographié par Mikael Lebleu