Luca Cianciulli : Prendre le taureau par les cornes

Luca qui mange une pizza

Le métier de chef demande une grande rigueur, une débrouillardise hors pair et un esprit combatif. Nous vous présentons Luca Cianciulli, un amoureux de la nourriture et de l’humain qui jongle habilement avec ces trois qualités. Le chef copropriétaire du Moccione et du Moccione Pizza, situés dans l’arrondissement Villeray, a démontré à l’ensemble de l’industrie qu’avec imagination, combativité et constance, tout est possible.

De la passion, des mentors, une rigueur

D’origine italienne, Luca Cianciulli a grandi autour de la table à manger. «Quand on a vécu la guerre, j’imagine qu’on a toujours peur d’en manquer. Je suppose que c’est pourquoi ma grand-mère passait son temps à façonner des saucisses et à encanner tous les légumes de qualités qui lui tombaient sous la main. Ce qui est certain, c’est que je lui dois mon amour de la cuisine et de la réception. Je passais beaucoup de temps avec elle et je la remercie de m’avoir initié à ces traditions», partage le chef avec émotion.

Animé par sa passion, Luca s’inscrit à l’ITHQ où il rencontre son premier mentor, Pasquale Vari. «J’ai eu la chance de l’avoir comme enseignant trois sessions consécutives. C’est un excellent pédagogue et un grand cuisinier. Je connaissais, grâce à ma nonna, l’amour et la romance derrière la cuisine italienne. Maintenant, j’en connaissais les techniques», nous confie Luca. Il peaufinera ses talents au cours de stages en Italie aux côtés de chefs étoilés Michelin.

Il travaille par la suite pendant plus de six ans dans la cuisine de Normand Laprise. Il apprend, au Toqué, l’importance du respect de l’ingrédient: «Ironiquement, c’est Normand Laprise qui m’a appris une des choses les plus italiennes que je connaisse: respecter l’aliment. En Italie, on ne se questionne pas à savoir si le produit est bon ou pas. Il l’est généralement. Ici, il faut tisser des liens avec les producteurs, creuser et s’impliquer dans les processus afin d’avoir la crème de la crème. On a de magnifiques produits au Québec. Ce n’est pas surprenant, on est les meilleurs dans tout ce qu’on fait, regarde Céline et le Cirque du Soleil. En restauration, c’est pareil!», lance à la blague le sympathique chef.

On dit que la vie est un apprentissage qui ne finit jamais. À ce jour, le dernier grand mentor de Luca est Charles-Antoine Crète. «C’est selon moi le meilleur chef de la ville. Je dirais même que le Montréal Plaza est mon restaurant favori dans le monde. Ce gars-là m’a tellement appris. C’est une explosion d’humain, un tourbillon sur deux pattes. Je lui en dois énormément.»

Savoir se revirer sur un dix cent

Luca Cianciulli ouvre avec Maxime Landry le Moccione à la fin de l’année 2018. Le petit restaurant italien de Villeray attire les foules. Le carnet de réservation est régulièrement rempli plusieurs semaines à l’avance.

S’ensuit la crise de la COVID-19, un dur coup pour l’ensemble des restaurateurs de la province. C’est ici que l’intelligence de la démerde de Luca entre en jeu. En moins de six semaines, l’équipe transforme le restaurant en comptoir pour emporter. C’est un franc succès. Les habitants de Villeray répondent à l’appel. «C’est fou la proximité qu’on a développée avec le monde du quartier pendant cette période. Le téléphone sonnait à une heure précise et je savais qui était à l’autre bout du fil et ce qu’elle allait commander. Je connais maintenant les noms des kids qui jouent dans les ruelles avoisinantes. Nous devons savoir trouver le bien dans le mal, comme qu’on dit! Par cette période de noirceur, j’ai découvert du bon monde, honnête et solidaire, je leur serai éternellement reconnaissant», souligne-t-il.

Au courant de la pandémie, le Moccione a réussi à garder 75 % de son personnel. Le concept, qui se voulait éphémère, a perduré. En 2021, Luca Cianciulli et son équipe décident de transformer le Moccione en pizzeria. Comme le hasard fait bien les choses, Giancarlo, le frère de Luca, est pizzaiolo. C’est ce dernier qui tourne la pâte dans l’établissement qui aura vu deux autres concepts signés Cianciulli avant lui.

À la guerre comme à la guerre

Le chef ne renonce pas à son rêve. Le Moccione survivra à toutes ces intempéries. Tel un phœnix, il renaîtra de ses cendres.

Il était impératif pour l’équipe de restaurateurs composée de Maxime Landry, Gabriel Bisson, Giancarlo Cianciulli, Pierre Joubaud et du principal intéressé que le local du nouveau Moccione soit dans Villeray. «Nous en devons trop à notre clientèle pour nous éloigner d’elle. Ils nous ont fait survivre tout le long de cette crise en achetant quotidienne des pâtes et d’autres plats. On ne peut pas leur transformer ça en pizzeria (bien que ce soit de la putain de bonne pizza) et déménager au centre-ville», plaide Luca.

Ils trouvent ainsi un local sur Saint-Denis et décident de s’y établir. Depuis qu’ils ont pris possession du bail, Luca et Gabriel travaillent nuit et jour à la rénovation du restaurant. «On a troqué nos toques pour des bottes à cap d’acier», nous lance-t-il, recouvert de poussière et de plâtre. Pour avoir été sur place, nous pouvons vous assurer que la décoration ne manquera pas d’authenticité ni de cachet.

Le Moccione sur Saint-Denis ouvrira ainsi ses portes à l’été 2022 et vous pouvez être certain que nous serons sur place pour couvrir l’évènement afin de vous relater notre expérience!

Le mot de la fin

Derrière le jeune visage de Luca Cianciulli se cache un regard joueur et rempli de sagesse. Nous terminerons cet éloge à la persévérance avec une citation de son cru:

«J’ai appris à donner des chances dans la vie. Si tu veux que quelqu’un te donne le meilleur de lui-même, il est impératif qu’il se pratique. Je prône cette mentalité quand je fais affaire avec des producteurs. Si je ne les encourage pas, ils ne pourront pas développer d’expertise. En achetant régulièrement du miel ou du fromage à un producteur débutant, j’investis en lui en sachant qu’éventuellement il me donnera un excellent produit. C’est la même logique avec notre histoire et les habitants de Villeray. Ils nous ont donné la chance d’apprendre et de prendre confiance en ce que nous faisons. Je leur réserve une belle surprise et suis extrêmement fébrile de les accueillir ! »

— Luca Cianciulli


Photographié par Juliette Busch

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