Dans le paysage gastronomique montréalais, Danny Smiles est un nom qu’on n’a plus besoin de présenter. Chef star, entrepreneur, musicien dans l’âme, père de famille… et surtout gars d’équipe, Danny incarne une nouvelle génération de chefs : créatifs, humains, entrepreneurs, mais toujours proches de leur équipe et de leur communauté.
« Danny Smiles, ce n’est pas juste moi! C’est Mitch, Andrew, Sarah, Kiera, Dan Climan, Zeb… Tous ces gens-là font partie de ce que je suis devenu. »
Des racines italiennes à l’esprit d’équipe
Danny a grandi à Ville d’Anjou, tout près du métro Honoré-Beaugrand. Un quartier où il a pris le bus 141 des centaines de fois, souvent pour aller rejoindre ses grands-parents.
« Mes grands-parents habitaient à 500 mètres les uns des autres. C’était une famille italienne typique : on faisait de la sauce tomate, du prosciutto… On essayait de garder les traditions vivantes. »
Les dimanches, on ouvrait une bouteille de vin, on cuisinait en famille. Pas de télé gastronomique dans les années 90, juste Julia Child, et encore. Mais l’amour de la cuisine, lui, était déjà bien présent.
Ses parents étaient propriétaires de l’Auberge Universelle depuis 1993. À 14 ans, Danny lave la vaisselle, est busboy, dishwasher… mais surtout, il apprend ce que c’est, le travail.
« Mes parents m’ont montré à hustle. Mon père me réveillait à 6h du matin pour aller travailler les brunchs. Ils m’ont appris l’organisation, l’éthique de travail, la rigueur. Je travaillais très jeune, grâce à ça, je devais d’ailleurs être le gars le plus riche du secondaire! Le travail acharné que tes parents ont, quand tu grandis, ça te rentre dedans sans que tu t’en rendes compte, je suis chanceux d’avoir ce modèle. »
Chef, mais aussi musicien
Ce que beaucoup ignorent : avant d’être un chef reconnu, Danny Smiles a longtemps hésité entre la musique et la cuisine.
À 18 ans, un peu perdu mais pas trop – comme il le dit lui-même – il choisit d’aller à l’école de cuisine à Saint-Pièce à Ahuntsic, en 2003. C’est le début d’un renouveau dans la gastronomie montréalaise. Il y rencontre des amis, découvre son talent.
En parallèle, il joue de la batterie dans un band indie, Broadcast Radio. Il part en tournée à travers le Canada (!)
« Être dans un band, c’est vivre avec cinq personnes que tu ne connais pas. Tu apprends à vivre ensemble, tu te retrouves sur les plages de BC à te dire : wow, ça c’est la vraie vie. J’avais besoin de ça. »
Mais la cuisine le rattrape toujours. Comme il le dit :
« C’est comme Hotel California, la restauration. Tu peux checker out, mais tu reviens toujours! »
Le choc de la vie, le retour en cuisine
À 25 ans, Danny vit un événement qui change sa trajectoire. En voyage en Thaïlande avec sa copine (aujourd’hui sa femme et mère de ses deux enfants), il est victime d’un grave accident d’autobus. Six personnes décèdent. Sa femme est transportée d’urgence à l’hôpital.
« J’ai vu ma vie défiler devant mes yeux. J’étais le seul dans le bus à ne pas être blessé. »
En revenant à Montréal, il décide de recommencer à neuf. Il envoie son CV à trois restaurants : Joe Beef, Garde Manger et Au Pied de Cochon. C’est finalement au Bremner, le nouveau resto de Garde Manger, qu’il est embauché.
Après quatre mois au Bremner, il devient sous-chef. Six mois plus tard, il est chef de cuisine (!) Les deux promotions tombent à chaque fois le jour de la fête de ses grands-mères. « Les grands-mères, ça te façonne en cuisine! C’était un bel hommage à tout ce qu’elles m’ont légué. »
Danny passe 9 ans au Bremner. Il décrit cette époque comme un Nirvana gastronomique : « C’était intense, on avait une équipe jeune, il y avait une vraie camaraderie. »
Le plus beau? La relation avec les proprios, Tim Rozon, Kyle Marshall et Chuck Hughes.
« Ils s’entendaient tellement bien. Personne ne parlait dans le dos de personne. Ils m’ont fait confiance, ils m’ont même amené comme partner. J’ai acheté mes parts à 27 ans. J’étais chef copropriétaire d’un des restaurants les plus populaires de Montréal. »
Une nouvelle génération d’entrepreneurs-restaurateurs
Quand la pandémie frappe, Danny ressent le besoin de faire autre chose.
« C’était le temps de faire mon propre truc. Une progression naturelle. »
Il travaille sur le Willow Inn à Hudson, où il découvre une autre communauté, d’autres rythmes. Il ouvre aussi un dive-bar, le Doubles sur l’Avenue du Parc, un lieu inspiré de sa passion pour la musique, avec des posters sur les murs, un côté accessible et sans prétention.
Puis, en mai 2023, il reçoit un courriel : la Maison Publique est à vendre.
Il appelle ses associés :
« C’est là notre espace. »
Le lendemain, il rencontre Derek Dammann, ancien propriétaire et chef de la Maison Publique.
« Quand tu reprends un endroit où quelqu’un a mis tout son cœur, tu le sens. Derek était fatigué, mais il voyait notre excitation. C’était un mélange de wild et de délicat. »
Aujourd’hui, Danny marche dans la salle du resto et sourit :
« Bâtir quelque chose à partir de zéro et voir que ça fonctionne, c’est addictif. C’est dur, mais c’est beau. C’est le premier projet où on a pu tout choisir : la couleur des banquettes, le menu… juste nous quatre. »
Donata, Dalmata et l’héritage
Danny ne s’arrête pas là. Avec ses partenaires, il lance aussi Donata, une entreprise de distribution de produits italiens éthiques et de qualité. Il se reconnecte avec ses racines :
« Quitter un resto, c’est intense. Mais les produits, eux, peuvent durer. C’est un héritage. »
Puis, pour le plaisir (et pour ses enfants), il ouvre la gelateria Dalmata.
« Mes kids adorent la crème glacée. Dalmata, c’est du vrai gelato italien, fait maison. »
Une pluie d’honneurs
Le Violon enchaîne les distinctions : nommé meilleur nouveau restaurant par Canada’s 100 Best, recommandé par le Guide Michelin, et actuellement en lice pour les Meilleurs nouveaux restaurants Air Canada 2025.
Le 25 septembre, à Las Vegas, le Violon a également été mis à l’honneur par World’s 50 Best North America en tant que 29e meilleur restaurant en Amérique du Nord (!), confirmant son statut de nouvelle adresse incontournable sur la scène gastronomique internationale.
La famille avant tout
Aujourd’hui, Danny a trouvé son équilibre. Il a déménagé pour être plus proche de sa famille, et ça change tout.
« Je regarde mes enfants grandir, je suis là pour eux. Rien ne me rend plus heureux qu’eux. Ils dessinent, leurs profs disent qu’ils vont bien. Ça te donne une joie qu’aucun plat ne peut te donner. »
Après 25 ans à être obsédé par la bouffe, Danny veut transmettre. Il continue à travailler sur la ligne – « il n’y a pas beaucoup de chefs de 40 ans qui font ça, mais moi, j’aime ça » , mais il veut aider la prochaine génération à s’exprimer, à créer, à apprendre à bien gérer une entreprise.
La restauration pour lui « ce n’est pas juste vendre des plats, c’est bâtir une équipe, créer des restos qui ont l’air d’avoir toujours été là, qui vont durer plus longtemps que nous. »
Que réserve l’avenir?
« Amener nos business au next level. Et relever des défis. Je les ai toujours aimés, et je les aimerai toujours. »
Danny Smiles, c’est un chef d’équipe, un gars de famille et un entrepreneur inspiré qui continue de faire rayonner Montréal… une bouchée à la fois.
Écrit par Élise Tastet
Photographié par Alison Slattery