Elena Faita: la matriarche de la cuisine italienne à Montréal

Elena Faita est une force de la nature! Mère, grand-mère, entrepreneure, professeure et pilier de la communauté italo-montréalaise. Elle incarne une génération de femmes qui ont bâti, sans compromis, une vie à la hauteur de leurs rêves, à coups de courage, de résilience et de travail acharné.
Née à San Vittore del Lazio, à une trentaine de kilomètres de Rome, Elena Faita immigre à Montréal à l’âge de sept ans, s’installant dans la Petite Italie avec sa famille. Très tôt, la cuisine devient son univers. « Je cuisine depuis que j’étais toute, toute petite », confie-t-elle avec le sourire de celles dont la vocation a toujours été claire.
L’esprit de famille comme fondation
En 1956, son père et son frère fondent la Quincaillerie Dante, une adresse devenue mythique au coin des rues Dante et Saint-Dominique. À seulement 16 ans, Elena y est impliquée à plein temps. Mais ce n’était que le début. En plus de gérer le magasin, elle fonde Mezza Luna, une école de cuisine située à quelques pas, au 57 rue Dante. L’idée vient d’un kiosque qu’elle monte en 1992 avec sa fille dans un salon de l’habitation. Pendant dix jours, Elena y prépare des pâtes pendant 15 heures par jour. Le succès est immédiat, les ventes explosent, les journalistes en parlent.
À peine remise de ce marathon culinaire, sa fille lui lance une nouvelle idée : fonder une école. « Je l’ai regardée et j’ai dit : “Mais t’es folle !” », raconte-t-elle en riant. Et pourtant, un an plus tard, l’école ouvrait ses portes, avec des recettes calibrées, des quantités pesées et toute la chaleur humaine qu’Elena sait transmettre.
L’école Mezza Luna d’Elena Faita
L’école a accueilli avec les années de nombreux chefs comme Frédéric Morin (Joe Beef, Liverpool House et Vin Papillon), Marc De Canck (La Chronique), Marc-André Cyr (Un peu partout…), Marie-Fleur St-Pierre (Hotel Victoria), Martin Picard (Pied de Cochon, Cabane à Sucre et Cabane d’à Côté— qui lors d’une entrevue en 2012 n’avait que de bons mots et beaucoup d’admiration au sujet d’Éléna), Michele Forgione et Stefano Faita (Impasto, Gema et Tousignant), Nick Hodge (Ex Ice House) et plusieurs autres.
Au départ, l’école offrait 40 cours, puis est montée à 60 et 170 cours par an avant de fermer ses portes pendant la pandémie. Chaque samedi matin, de 10h à midi trente, Elena Faita continue de transmettre sa passion en donnant des cours de cuisine gratuits à 24 chanceux inscrits! L’initiative, qu’elle décrit comme une façon de redonner ce que le public m’a redonné, connaît un véritable succès. Chaque mardi, un courriel est envoyé à sa liste d’abonnés et les premières personnes à s’inscrire obtiennent leur place. « Mes élèves me suivent encore, et il y a beaucoup de jeunes — j’aime ça beaucoup », confie-t-elle, ravie de voir les nouvelles générations s’intéresser à l’art culinaire avec autant d’enthousiasme.
Femme et entrepreneure
Conciler maternité et entreprise n’a jamais été facile, et Elena ne s’en cache pas. « C’est beaucoup de travail, surtout quand on a des enfants. Mais il ne faut pas laisser ses rêves de côté. » Pour elle, l’indépendance des femmes est essentielle, tout comme le soutien du conjoint. « Mon mari me supportait beaucoup, et c’est aussi pour ça que j’ai pu aller au bout de mes projets. » Aujourd’hui, elle observe avec joie que la société évolue, que les carrières féminines sont mieux reconnues. Mais elle reste lucide : il faut se battre, surmonter les drames, ne jamais lâcher. « Si vous avez un rêve, il faut le faire. Il faut travailler très, très fort et être fière de soi-même. Follow your dreams — honnêtement et avec beaucoup de travail ! »
Un livre pour les femmes d’hier et d’aujourd’hui
En septembre 2024, Elena Faita a publié son livre de cuisine, un projet qu’on lui demandait depuis des années et qu’elle considère comme sa plus grande fierté et qui est rapidement devenu un des livres de cuisine les plus populaires du Québec! Plus qu’un recueil de recettes, c’est un hommage aux femmes, celles d’hier et d’aujourd’hui, qui ont marqué son parcours. « C’est très, très important pour moi », insiste-t-elle. Enseigner reste pour elle une passion intacte : elle aime donner, aime partager, aime voir les yeux s’illuminer autour d’un bon plat. Sa relation avec sa clientèle est précieuse, presque familiale. Et même après des décennies de service, elle prend toujours plaisir à travailler à la Quincaillerie Dante, entourée de ses outils et de cette effervescence qu’elle a contribué à bâtir. Encore une année, dit-elle, et viendra peut-être le temps de la retraite.
Elena Faita, maman, grand-maman, et fière de l’être
Elle est la mère de deux enfants et la grand-maman attentionnée de cinq petits-enfants âgés de 7 à 19 ans. « Ma vie, c’est ça ! » lance-t-elle avec tendresse. Elle parle souvent avec les garçons de sa fille — de tout, de leurs projets, de l’université, de la vie. Toujours présente, toujours engagée, elle incarne cette génération de femmes qui ont tout donné à leur famille sans jamais renoncer à leurs ambitions. Pour elle, rien ne s’obtient sans effort, mais tout est possible avec du cœur, de la discipline et un brin de folie. « C’est simple, c’est rien pour rien », dit-elle, citant les femmes d’une époque qui ont ouvert la voie, comme son amie Jeannette « qui crie encore, qui fonce encore ». Aujourd’hui, elle observe avec fierté les carrières florissantes des femmes, y compris celle de sa propre fille, qui a trouvé son bonheur en Italie.
Elena Faita est bien plus qu’une entrepreneure ou une cheffe : elle est un symbole vivant de persévérance, de générosité et de transmission. Elle a tracé sa propre voie, à contre-courant parfois, mais toujours avec passion et intégrité. En bâtissant un héritage culinaire ancré dans la tradition, mais tourné vers l’avenir, elle a inspiré des milliers de personnes — élèves, chefs, familles — à croire en leurs rêves et à ne jamais les abandonner. Mère, grand-mère, professeure, pilier communautaire et femme d’affaires aguerrie, elle prouve qu’on peut tout faire, à condition d’y mettre tout son cœur. Dans ses gestes, ses paroles, ses plats, il y a une leçon de vie : celle que le travail sincère, l’amour du partage et la fidélité à soi-même finissent toujours par porter leurs fruits.
Écrit par Élise Tastet
Photographié par Quincaillerie Dante