Minh Phat : étoile montante de la gastronomie montréalaise

Minh Phat Minh Phat Minh Phat et Mike Madokoro Minh Phat, Elena Raceviciute etMike Madokoro

Minh Phat est l’une de ces jeunes étoiles montantes de la gastronomie montréalaise qui est sous notre radar depuis un petit moment déjà. D’abord, pour son incontestable talent, mais également et surtout pour son éthique de travail et la dévotion qu’il porte à son restaurant.

Après l’avoir découvert au feu restaurant Orange Rouge, le Tout-Montréal était absolument ravi de le voir ouvrir son propre projet sur Jean-Talon appelé Mui Mui. Jamais à bout de surprises, Minh Phat, en compagnie de Mike Madokoro, chef du Bar Suzanne, et de la sommelière Elena Racevičiūtė Ouellette nous concocte un joli projet pour l’automne.

La restauration, comme une évidence

Fier montréalais, Minh Phat est né de parents vietnamiens d’origine chinoise qui sont arrivés à Montréal en fuyant la guerre. D’aussi loin qu’il se souvienne, son père a toujours travaillé dans la restauration et a même lui aussi eu son propre restaurant. «J’ai toujours connu ce monde-là, je voyais mon père très fatigué au bout de semaines interminables. Autant te dire que je savais dans quoi je m’embarquais quand j’ai décidé d’en faire moi aussi mon métier», se rappelle-t-il.

Son intérêt pour la cuisine commence très tôt et la curiosité le pique de plus en plus au fil des années alors qu’il expérimente avec le mariage des saveurs et des textures et avec différents modes de cuisson. «Mon premier souvenir, c’est quand j’avais 6-7 ans et que j’ai gouté à un sandwich au beurre de peanut et à la confiture. On dirait qu’il y a quelque chose qui s’est passé dans ma tête, comme si je comprenais le concept de marier des saveurs, de jouer avec le sucré-salé. Ça m’est resté jusqu’à ce jour.»

Au secondaire, il se tourne vers une formation spécialisée en cuisine à Calixa-Lavallée et travaille dans un camp de jour en cuisine. Là-bas, il aiguise ses premiers couteaux dans une caféteria pour personnes âgées, la «popote roulante». «Je voulais commencer quelque part, c’était une opportunité comme une autre. Très rapidement, ils m’ont donné la clef pour faire la prep. J’avais seulement 17 ans mais ça m’a permis d’avoir un pied dans le métier. »

Au terme de sa formation, Minh obtient un stage au Club Chasse et Pêche, qu’il considère aujourd’hui comme un point tournant de sa carrière. Il y découvre le monde de la gastronomie québécoise et, est de suite, envouté.

Lorsque son stage prend fin, l’équipe du Club Chasse est Pêche est complète et ne peut se permettre de l’engager. Minh décide alors de suivre un cours de spécialisation professionnelle pour affiner ses techniques – notamment en charcuterie et en poissonnerie – et travaille en parallèle chez un traiteur au centre-ville. «Ce n’a pas été ma meilleure expérience mais cela m’a appris la rigueur et à travailler extrêmement vite. À ce moment-là, je combinais du bénévolat pour la cafétéria, le traiteur et l’école. J’étais submergé dans la cuisine alors que j’avais à peine 18 ans. Je savais que c’était ça que je voulais faire de ma vie mais je savais aussi que je ne pouvais pas continuer à m’en imposer autant. »

L’école du Club Chasse et Pêche

À l’aube de ses 19 ans, le Club Chasse et Pêche le rappelle pour lui offrir un poste.  Cette fois-ci c’était différent, c’était la première fois que je faisais de la grosse gastronomie très sérieuse. C’était une expérience toute autre que celle de mon stage», nous raconte-t-il. «J’ai trouvé ça très dur. J’ai eu une grosse remise en question mais j’ai décidé de me battre pour être à niveau. Je rentrais plus tôt et je finissais plus tard, je voulais vraiment y arriver. »

Il enchaine donc tous les postes en cuisine, de garde-manger au plating en passant par entremétier. « Le Club Chasse et Pêche, ça a été la meilleure école qui puisse exister pour moi. Ça m’a appris à être un adulte, les valeurs du respect en cuisine; ils m’ont toujours encouragé à être le meilleur de moi-même. »

Lorsque Minh arrive à terme de son apprentissage au Club Chasse et Pêche après près de trois ans, on lui propose un poste de jour au Filet, qui vient d’ouvrir ses portes.

«C’était la meilleure job de ma vie, j’ai réalisé à ce moment-là que j’étais un gars de prep, que j’aimais véritablement ça. J’arrivais au Filet à 6h du matin, j’étais tout seul, je mettais de la musique hyper fort et je prenais mon café avec le lever du soleil qui rayonnait sur les murs dorés, c’était magnifique.»

Pendant ces années au Filet, il travaille étroitement avec Yasu Okazaki, qui sera pour lui un maître et un mentor de la cuisine japonaise. «Il m’a appris la twist japonaise que je ne connaissais absolument pas. Je reste encore très marqué par sa technique et son savoir-faire», dit-il.

L’époque Orange Rouge

Lorsqu’il quitte le Filet, il aide pendant quelques temps ses amis-propriétaires au Satay Brothers et au Nouveau Palais, des gens qu’ils respectent énormément pour leur éthique de travail et par les empires qu’ils ont respectivement créés.

En 2013, quand Minh Phat est approché pour ouvrir le restaurant Orange Rouge, dans le Quartier Chinois, en tant que sous-chef, il est loin de se douter que c’est une toute autre version de lui-même qu’il s’apprête à découvrir.

«J’ai tout de suite voulu faire partie du projet. À l’époque, c’était le premier restaurant qui n’était pas chinois qui s’installait dans le quartier chinois et le menu était vraiment cool. Très rapidement pourtant le chef de l’époque ne s’entendait plus avec le propriétaire… Je me suis donc fait offrir la job de chef à seulement 24 ans! Je ne savais vraiment pas si j’étais prêt à gérer une équipe et c’était beaucoup de remise en question. Finalement j’ai décidé que je voulais essayer, quitte à me tromper. J’ai donc monté mon équipe à moi, sans réputation, sans rien», raconte Minh Phat.

Orange Rouge, ce fut sept années de travail acharné, chargées en émotions, mais qui lui auront permis d’apprendre à être un chef, un leader, un entrepreneur.

Surmonter l’adversité pour mieux rebondir

En 2020, la pandémie frappe. On connait tous la suite de l’histoire: à notre grand désespoir, Orange Rouge annonce sa fermeture définitive.

«Ça a été une période très triste dans ma vie. Pour mon 30e anniversaire, j’ai dû fermer mon restaurant, je me suis séparé de ma copine de l’époque et mon chien est décédé.»

Malgré tout, Minh Phat décide de transformer cette épreuve en quelque chose de beau, en quelque chose qui lui ressemble.

C’est ainsi que nait un projet à son image mais surtout marqué de ses expériences: Mui Mui, ce charmant restaurant d’influence asiatique sur Jean-Talon. «Je ne pensais pas qu’on allait être autant occupé quand on a ouvert. La pandémie nous a appris à nous adapter et c’est ce qu’on a continué à faire quand les restaurants ont rouvert.»

Puis, c’est au tour du restaurant Manitoba de fermer ses portes. Sa collègue et grande amie, la sommelière Elena Racevičiūtė Ouellette, lui partage l’annonce des propriétaires, qui cherchent quelqu’un pour reprendre le fond de commerce. À ce moment, Minh Phat ne se sentait pas prêt à entreprendre un autre projet. Mais surprise: quelques mois plus tard, Mike Madokoro, le chef du Bar Suzanne, se joint aux deux amis pour concrétiser l’aventure.

Reprendre le flambeau

Bâptisé Anémone (en référence à l’anémone pulsatille, la fleur emblématique de la province du Manitoba), le nouveau restaurant s’inscrira dans la continuité de son prédécesseur. «On ne veut pas remplacer le Manitoba, on apportera juste notre touche personnelle avec une cuisine locale qui nous est propre. C’est Mike qui sera en charge de la cuisine», précise Minh Phat. Le nom du restaurant est également un hommage au père d’Elena, originaire du Manitoba, qui est décédé l’an dernier.

Minh Phat est l’un de ces entrepreneurs-artistes en cuisine que l’on admire beaucoup, qui ne cesse jamais de s’améliorer grâce à un travail acharné. « Il n’y a pas de chance dans la vie, il faut travailler fort mais surtout il faut instituer cette notion de respect dans un restaurant; que ce soit envers la bouffe, son équipe ou ses partenaires. »

On a très hâte de découvrir le projet !


Photographié par Mikael Lebleu

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