La famille Tri : un papa et son fiston

tri et thierry

Chez Tastet comme dans bien des familles, les liens intergénérationnels sont très importants, autant la transmission des aînés vers les plus jeunes que le partage de nouvelles avenues des plus jeunes vers leurs aînés. Tri Du et son fils Thierry-Tri Du-Boisclair ont bien voulu répondre à quelques questions et partager avec nous et vous quelques-uns de ces détails qui façonnent nos vies

Côté humour, Tri Du est connu des Québécoises et des Québécois pour son apparition ultra célèbre à l’émission Des kiwis et des hommes sur la palourde royale. Côté gourmandise, il est aussi connu pour son restaurant Tri Express sur l’avenue Laurier Est au coin de la rue Marquette. Parcours totalement atypique, personnalité débridée et cœur immense.

Thierry-Tri Du-Boisclair est le fils de Tri. Passionné par la restauration, Thierry a rapidement décidé de suivre les traces de son père en s’impliquant dans le restaurant de ce dernier pour finalement ouvrir, quelques années plus tard, ses propres établissements : hier, Le P’tit Tri et aujourd’hui, Regashi.

Voici donc leurs réponses à notre douzaine de questions :

D’où est venu ton goût pour la cuisine (peut-être souvenirs d’enfance) ?
Tri : Vraiment par la nécessité de gagner ma vie. Arrivé dans la vague, c’est le cas de le dire, des boat people, je commençais vraiment à zéro.
Thierry : À mes soupers de fête, mon père faisait des pilons de poulet et ces plats étaient connus et très appréciés de tous mes amis qui en parlaient comme du « fameux poulet de Tri ». Je crois bien que c’est parti de là.

Comment ton parcours en restauration a-t-il commencé ?
Tri : Tout en bas de l’échelle comme beaucoup de nouveaux venus dans tous les pays du monde sans doute ; j’ai fait des ménages, de la plonge et ensuite j’ai commencé à travailler en pâtisserie à La Croissanterie.
Thierry : Depuis que je suis jeune je visite mon père dans ses milieux de travail successifs. C’est au Tri Express que j’ai eu mon premier véritable emploi, à 14 ans.

Quels sont les premiers souvenirs culinaires que vous partagez ensemble ?
Tri : On allait manger de la soupe phở tous les samedis à midi.
Thierry : On allait au restaurant en famille dans le quartier chinois et on dégustait des soupes phởs. On prenait également beaucoup de plaisir lors des soupers de fête les dimanches, midi et soir.

En quoi vos sensibilités en cuisine sont-elles similaires ou différentes ?
Tri : On veille à toujours utiliser les produits les plus frais.
Thierry : Nous aimons tous les deux les saveurs explosives, mais qui ne font pas qu’on ne goûte plus après (on est conscients des différent palais). Ce qui nous différencie est que mon père n’a pas eu la chance d’avoir son père comme investisseur alors que de mon côté, ça m’a permis de pouvoir tester des choses auxquelles d’autres proprios auraient probablement dit non.

Avez-vous une spécialité que vous aimez particulièrement cuisiner ?
Tri : Des sashimis “New Style”. J’adore les plats à base de poisson cru, servi en fines tranches, accompagné de sauces originales et de légumes ciselés.
Thierry : Le poisson servi en sashimi. C’est dans un certain sens, un souvenir de famille et je l’ai amené à un autre niveau : le dry aged.

Quel plat l’autre prépare-t-il mieux que quiconque ?
Tri : Les poissons vieillis à sec, une technique pratiquée traditionnellement au Japon. Ça permet d’améliorer le goût du poisson, un peu comme dans le processus de vieillissement de la viande en chambre froide.
Thierry : Je pense que, à part les sushis qu’il fait évidemment mieux, je dirais que tous les plats de poulet de mon père sont incroyables.

Qu’avez-vous appris l’un de l’autre, sur le plan professionnel comme personnel ? Tri : La modestie.
Thierry : Côté professionnel, j’ai appris de mon père tout ce qui était étique de travail et comment gérer des employés qui ont une vision différente du travail d’un entrepreneur parce que nous travaillons pour notre projet et eux nous aident à travers cela.  J’ai beaucoup appris en voyant toute la compassion qu’il avait pour ses employés, tout ce qui était en son pouvoir pour qu’ils puissent subvenir aux besoins de leur famille tout comme nous. Sur le plan personnel, comment il a toujours tout fait pour que sa famille ne manque de rien. Son meilleur dicton il me la dit dernièrement « tu sais Thierry, l’argent ça se dépense et ça se regagne, mais les apprentissages que tu es en train de faire, ça personne ne peut te le prendre. »

Quel est le moment le plus marquant que vous ayez vécu ensemble dans un restaurant ?
Tri : Quand nous avons servi un repas en l’honneur du grand styliste et couturier Jean-Paul Gauthier, venu à Montréal pour son exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal.
Thierry : Je pense que c’est un jour de Saint-Valentin alors qu’un employé avait placé des commandes à un autre endroit inhabituel sans nous le dire ; ça a fini par être une des plus grosses journées du Tri encore à ce jour.

Y a-t-il un ingrédient ou une saveur qui symbolise votre lien familial ou culinaire ?
Tri : Silence…
Thierry : Je ne pense pas qu’il y ait un ingrédient qui symbolise notre lien ; je dirais que notre recherche d’équilibre entre le sucré, le salé, l’acidité et le piquant c’est plutôt ça qui marque tous nos plats. Je pense que c’est pourquoi encore aujourd’hui quand je crée des plats qui n’utilisent pas les sauces de mon père j’ai des clients qui me demandent si j’ai un lien avec Tri !

Quel serait votre repas idéal : entrée, plat, dessert et boisson?
Tri : Un repas vietnamien. En entrée, salade de bœuf saignant, sauce citronnée, soupe bún bò Huế (une soupe traditionnelle épicée-acidulée-sucrée-salée-umami de la cuisine vietnamienne) et, comme boisson, de la bière.
Thierry : Entrée froide, repas chaud, dessert fruité. Pour moi, le repas idéal c’est vraiment plus important avec qui on mange que ce que je mange ; passer du temps avec des personnes qu’on aime, c’est ça le plus important et sinon j’aime être surpris et une belle exécution peut surprendre de la même manière que des saveurs surprenantes.

Quel conseil donneriez-vous à une famille qui souhaite travailler ensemble en cuisine ?
Tri : Faire preuve de beaucoup de patience et de générosité.
Thierry : Je pense que ça demande beaucoup de patience parce que tu vas travailler avec quelqu’un dont tu es très proche. Par contre, vivre ça avec quelqu’un de proche comme sa famille c’est incroyable.

Et si vous n’étiez pas restaurateurs, dans quel domaine vous verriez-vous ?
Tri : J’aurais aimé être agent immobilier ou travailler en construction générale.
Thierry : Je suis heureux comme ça. Je pense que mon père serait un bon humoriste, il a vécu beaucoup de choses. Il est très bon pour raconter des histoires et il a un bon sens de la repartie. Il a toujours été bon pour faire rire ses collègues. Sinon évidement entrepreneur en construction et il est un grand fan d’antiquités.


Photographié par Alison Slattery

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