Jean-Philippe Lefebvre : pionnier du vin au Québec

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À travers réZin, Jean-Philippe Lefebvre n’a pas seulement bâti une agence d’importation : il a modelé un nouvel imaginaire du vin au Québec. Pionnier des vins nature, curieux insatiable, défricheur de cépages oubliés et d’initiatives innovantes, il a toujours été porté par la même conviction : le vin est avant tout un médium pour rassembler et  raconter des histoires.

Un parcours forgé par la curiosité

Né à Laval — un lieu qu’il préfère “mieux taire” dit-il le sourire aux lèvres — Jean-Philippe Lefebvre découvre très jeune la magie du vin par osmose familiale. Un oncle vigneron amateur, des amis passionnés, un premier voyage en solo en France à 15 ans : autant d’étincelles qui allument une passion dévorante. Déterminé à en faire son métier, il vise l’ITHQ, où il obtient un diplôme en gestion hôtelière en 1989, aux côtés d’un certain Martin Picard.

Au fil des expériences — en cuisine, en service, en sommellerie — son amour du vin se précise. Au restaurant le Bistro à Champlain à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, dans les Laurentides, il affine ses sens, développe son instinct. C’est au contact des grands vins du Jura, en Bourgogne, que son approche se cristallise : le vin doit être vivant, sincère, capable d’émouvoir sans artifice.

Au gré des rencontres, il découvre des pratiques oubliées, des cépages ancestraux, des vignerons rebelles. À Charleroi, dans l’ambiance généreuse des dégustations improvisées, il forge sa compréhension intime du vin comme vecteur de culture et de liens humains.

La naissance de réZin : défendre l’authenticité envers et contre tout

En 1995, avec Éric Beaudoin, il fonde réZin. Le projet est aussi clair qu’ambitieux : importer des vins différents, artisanaux, décomplexés, alors que le marché québécois reste dominé par des standards classiques et formatés.

À l’époque, défendre le vin nature relève de l’acte de foi. Mais Jean-Philippe croit à ce mouvement émergent, qu’il a vu naître en Beaujolais avec Jean Foillard, Marcel Lapierre et Yvon Métras, et qu’il a ressenti jusqu’en Californie avec les zinfandels singuliers de SKY Vineyards.

réZin introduit ainsi au Québec une nouvelle esthétique du vin : des Beaujolais de terroir, des cépages méconnus comme le kadarka hongrois, le país chilien ou l’abouriou français, des vins californiens de petits producteurs, bien loin de l’image opulente et sucrée de la Californie des années 90. Le pari est risqué, mais il trouve un écho auprès de sommeliers curieux et de restaurateurs avides de nouvelles sensations.

Très tôt, réZin impose une griffe visuelle forte avec la création de sa fameuse pastille orange — un élément fondateur lancé au début des années 2000, bien avant les pastilles de goût de la SAQ. Ce repère visuel distinctif, apposé sur les bouteilles en SAQ, agit comme un sceau de confiance : il aide les consommateurs à faire des choix éclairés, même sans expertise en vin.

Au-delà de l’aspect visuel, réZin joue aussi un rôle de facilitateur dans l’univers du vin. L’agence filtre, vulgarise et rend accessibles des produits rigoureusement sélectionnés, en phase avec ses valeurs : qualité, respect de l’environnement et dimension humaine.

Innover sans cesse : l’ADN de réZin 

S’il fallait résumer Jean-Philippe Lefebvre en un mot, ce serait “mouvement”. Refusant de se reposer sur ses acquis, il a toujours cherché à innover, souvent avant tout le monde.

réZin n’est pas qu’un importateur : c’est un véritable laboratoire d’idées. Sous l’impulsion de Jean-Philippe Lefebvre, l’agence multiplie les initiatives novatrices :

  • Très tôt, réZin innove en proposant des vins de qualité en formats à faible empreinte carbone, Avec C’est dans le Sac, un vin biologique soigneusement sélectionné, l’agence casse les idées préconçues : oui, un vin en sac peut être bon.
  • L’agence envisage aussi l’embouteillage local de certains vins — une piste prometteuse pour réduire l’impact environnemental lié au transport.
  • Développement de la division Esprit réZin, dédiée aux spiritueux artisanaux, avec des créations locales comme Gin de Mononcle, Gin de Matante et Tricoté Serré (en partenariat avec le Pied de Cochon).
    Partenariat avec un brasseur de l’Estrie (La Ferme) pour la mise en marché de bières biologiques en bouteille réutilisable.
  • Intégration des vins du Québec au portfolio avec la gamme “En Roue Libre”. 
  • Lancement de TéléréZin en 2000, une chaîne YouTube dédiée à la culture du vin — une initiative précurseure à l’époque, bien avant l’essor des plateformes numériques.

Chez réZin , l’innovation est au service de la qualité, du terroir et de l’environnement.

Garder une longueur d’avance

Aujourd’hui, RéZin représente plus de 125 producteurs, tant en importation privée qu’à la SAQ — un véritable exploit pour une agence longtemps cantonnée à l’importation privée. Pourtant, Jean-Philippe refuse de se reposer sur ses lauriers.

Conscient de l’évolution rapide du marché, il continue de chercher les fameux “moutons à cinq pattes” : ces vins originaux, inclassables, fruits d’une rencontre entre un terroir, un vigneron et une philosophie libre. Sa sélection reste guidée par un goût affirmé pour l’authenticité, la diversité, et une certaine poésie du vin.

Son approche, loin des effets de mode, privilégie la durabilité : encourager les contenants alternatifs, soutenir les producteurs bios ou en conversion, favoriser les circuits courts, et miser sur la transmission plutôt que sur la course au volume.

Une aventure humaine

Pour Jean-Philippe Lefebvre, le vin n’est qu’un prétexte. Ce qui compte vraiment, ce sont les rencontres, les échanges, la transmission des savoirs. À travers réZin, il a su tisser des liens forts avec ses producteurs, ses restaurateurs partenaires, et ses collaborateurs.

Aujourd’hui, réZin est une équipe de 13 personnes soudées, dont plusieurs membres comptent plus de 10 ou 15 ans d’ancienneté. Une fidélité rare dans l’industrie, qui témoigne de l’importance accordée à l’humain autant qu’au produit.

Fidèle à son éthique

Malgré les défis — la lourdeur administrative du monopole québécois, la concurrence croissante, la pression sur les marges — Lefebvre n’a jamais trahi ses valeurs. Dès 1995, il défendait les vins nature quand personne n’y croyait. Aujourd’hui, il milite pour une consommation plus consciente, plus respectueuse de l’environnement, plus locale.

Chaque projet, chaque bouteille sélectionnée traduit cette volonté d’avoir un impact positif. Qu’il s’agisse de réduire l’empreinte carbone, de soutenir l’économie locale ou de promouvoir des pratiques agricoles durables, Jean-Philippe Lefebvre continue d’avancer avec la même sincérité.

Il dort bien la nuit, dit-il, avec les choix qu’il a faits — un luxe que peu de chefs d’entreprise peuvent s’offrir après trente ans de carrière.

Un héritage vivant

Au fond, Jean-Philippe Lefebvre est resté fidèle à l’élan initial qui l’a porté adolescent sur les routes de France : celui de la curiosité, de l’émerveillement, du désir de transmission.

Grâce à réZin, des milliers de Québécois ont découvert les vins nature, les cépages oubliés, les petits producteurs marginaux. Les standards de consommation ont évolué, ouvrant la voie à une offre plus diverse, plus authentique, plus respectueuse.

Et surtout, grâce à cette entreprise de chez nous, une nouvelle génération de sommeliers, d’agents, de vignerons québécois et de passionnés de vin a été inspirée à chercher ailleurs, autrement, au-delà des étiquettes et des conventions.

Car pour Jean-Philippe Lefebvre, le vin n’est pas une fin en soi. C’est un voyage, un langage, un pont entre les cultures.

Et tant que ce voyage continue, tant qu’il reste des histoires à raconter à travers une bouteille, Jean-Philippe Lefebvre sera là — fidèle à son esprit pionnier et curieux.


Photographié par Mikael Lebleu

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