Véronique Dalle : un parcours entre musique, restauration et sommellerie

Véronique Dalle

Véronique Dalle a toujours évolué dans l’univers de la restauration. Issue d’une famille de restaurateurs, elle commence très jeune : à 13 ans, elle occupe un poste de garde-manger dans le restaurant de son père. L’univers lui plaît déjà énormément. Toute petite, elle allait souvent au restaurant pour voir son père.
« J’étais admirative de la façon dont il s’entretenait avec les clients, je trouvais ça beau ! La rencontre avec des gens différents, la magie du service… C’était presque comme un spectacle pour moi. »

Pendant ses études, Véronique pense d’abord s’orienter vers la musique. La restauration reste en arrière-plan, même si elle continue à y travailler. Elle se forme en musique classique durant plusieurs années, au Conservatoire de musique de Montréal, puis à McGill et à l’Université de Montréal. Elle joue du hautbois — un instrument qu’elle commence tardivement, mais qu’elle adopte aussitôt avec passion.

Elle mène ses deux amours de front : la musique et la restauration. Elle travaille d’abord chez Roberto sur la rue Bélanger, puis participe à l’ouverture du Petit Alep, institution montréalaise où elle restera six ans. C’est là qu’elle suit ses premiers cours de vin avec Jeannot Gingras. Tania l’avait invitée à former l’équipe de service autour d’une carte des vins encore modeste à l’époque (le Petit Alep possède aujourd’hui l’une des plus belles sélections de vins à Montréal).

Pour le plaisir, elle s’inscrit à des cours de sommellerie à l’ITHQ : service, accords, œnologie… Elle termine son parcours avec succès, obtenant plusieurs bourses d’études. Elle poursuit ensuite avec un master à Suze-la-Rousse, en partenariat avec l’ITHQ, et part soutenir sa thèse et passer ses examens dans la vallée du Rhône.

À la fin de cette formation, la transition vers la sommellerie s’impose presque naturellement. Des rencontres marquantes avec des vignerons inspirants nourrissent son désir de se consacrer pleinement à l’étude du vin. Dans le monde musical, le travail à la pige reste précaire, et les postes stables sont rares au Québec. La sommellerie lui offre un parcours plus viable, mais surtout un univers riche, stimulant, foisonnant de découvertes et de rencontres.
Tout est interconnecté. Pour elle, la sommellerie est un choix aussi noble que la musique : une vie nourrie de beauté. À la différence près que dans le vin, elle ne ressent pas cette vulnérabilité constante propre à la scène musicale. Elle y trouve sa place.

Pendant un contrat en Europe pour les frères Roux, Catherine Bélanger la contacte pour lui proposer de se joindre à l’équipe du Pullman. De retour à Montréal, Véronique la rencontre. Catherine la trouve d’abord un peu trop « straight » — dans le style des grandes maisons — mais l’essai est concluant, et elle lui donne sa chance. Véronique restera près de quinze ans au Pullman, aux côtés de Catherine. Le Pullman, situé sur l’avenue du Parc, est alors l’un des tout premiers bars à vins à Montréal.

Cette expérience est fondatrice : elle y travaille exclusivement avec des sommeliers, apprend énormément et découvre une approche exigeante et sérieuse du vin, même dans un cadre de service détendu. Rapidement, elle s’implique activement et pose les bases de sa carrière au sein d’une équipe à la fois dynamique et inspirante.

Elle développe une carte des vins à la fois accessible et pointue, avec une forte sélection au verre. À l’époque, les vins nature commencent tout juste à apparaître au Québec. Elle sélectionne des producteurs rigoureux, dont les vins expriment finesse et précision, sans les défauts parfois associés au style. Le Pullman devient un véritable laboratoire : un lieu d’expérimentation, d’éducation et d’affinement du palais.
Catherine lui offre la liberté de créer, de s’entourer et de bâtir une cave vibrante. Gérer une sélection aussi dynamique est l’un des projets les plus formateurs de sa carrière. Durant cette période, Véronique enseigne également à l’ITHQ.

Après presque quinze ans au sein du même groupe — entre le Pullman et le Moleskine — elle ressent le besoin de relever de nouveaux défis. Amie de longue date d’Éric et Dyan, les fondateurs d’Olive et Gourmando, ceux-ci lui proposent de prendre la direction de la salle au Foxy.

Elle y apporte sa touche personnelle : peaufine le style du service, élabore une carte des vins en harmonie avec la cuisine au feu de bois, et travaille le projet dans sa globalité, avec une grande liberté. Elle s’épanouit pleinement dans ce nouveau rôle.

Puis vient la pandémie, qui bouleverse tous les plans. Éric et Dyan souhaitent alors se recentrer sur Olive et Gourmando, et proposent à Véronique de reprendre seule les rênes du Foxy. Elle accepte et s’entoure d’une équipe solide : Bruno Lessieur, un ancien collègue du Pullman, ainsi que deux amis et partenaires discrets, David Cataford et Steve Boucratie.

Aujourd’hui, Véronique est à la tête du Foxy, qu’elle fait évoluer avec attention et exigence. Le décor chaleureux est resté intact, mais la carte des vins s’est enrichie : pensée avec précision pour accompagner la cuisine, elle reflète son lien étroit avec les vignerons qu’elle admire depuis plus de vingt ans.
Elle aime la créativité du métier, la stimulation quotidienne, l’attention portée aux détails — dans l’assiette, le service, l’accueil.

Son ambition : offrir une expérience mémorable pour ses clients, rester pertinente et faire vivre son projet dans la durée, avec cœur, finesse et exigence. Soutenir et motiver de nouveaux jeunes talents.

Le Guide Michelin vient d’ailleurs de récompenser le Foxy avec un prix pour la carte de cocktails exceptionnels de Sabrina Touzel.

« Je me sens tellement chanceuse. Mon souhait, c’est que cela continue : succès, santé, joie pour mon équipe et, bien sûr… plein de bons vins ! »


Photographié par Alison Slattery

Du magazine