Marc-André Royal : chef entrepreneur de feu
Marc-André Royal : Saviez-vous que les grand(e)s chef(fe)s de chez nous utilisent souvent l’érable à l’année ?! En effet, dans un souci de rester local et d’utiliser les produits extraordinaires du Québec tout en respectant l’environnement, le sirop d’érable remplace bien souvent le sucre des grandes tables de chez nous. Voici une série de portraits des supers ambassadeurs culinaires de L’érable du Québec.
Marc-André Royal est copropriétaire du restaurant Le St-Urbain (un des meilleurs restaurants de Montréal), copropriétaire de la Bête à Pain Ahuntsic (une des meilleures boulangeries en ville) et de la Bête à Pain Griffintown (une autre des meilleures boulangeries en ville), et il ouvrira en janvier 2019 la Bête à Pain de Laval ! Portrait d’un homme d’affaires déterminé, travaillant, talentueux et charmant.
Marc-André Royal n’a pas toujours pensé qu’il travaillerait en restauration. À 17 ans, il a décidé de déménager à Whistler dans le but de faire carrière en planche à neige. Voulant faire de la planche à neige, mais devant tout de même gagner sa vie, Marc-André se voit obligé de travailler dans un restaurant. Il profite donc des montagnes et du plein air le jour, et obtient un travail au restaurant Araxi le soir. Il y travaille quelques années.
« Un jour, le téléphone a sonné, et ma mère m’a dit : hey, il faudrait que tu ailles à l’école Marc-André. T’as l’air d’aimer ça la restauration, pourquoi tu n’essaies pas l’ITHQ ? J’ai donc fait l’ITHQ. »
Marc-André rentre à Montréal pour faire le programme de cuisine à l’ITHQ et commence à travailler au restaurant L’Express, sous la direction de Joël Chapoulie. « J’ai aimé y cuisiner un menu bistro classique comme il ne s’en fait pas ailleurs ! Toutes les sauces faites à la minute, les poêlées à la minute, le restaurant avait son propre boucher, son propre poissonnier, son sous-chef bouillon, son sous-chef sauces, etc. J’y ai appris énormément, et très rapidement. »
Entre chaque session d’école, Marc-André retourne à Whistler pour faire de la planche à neige. Étant très jeune, Marc-André n’est pas convaincu de son avenir et ne sait pas trop ce qu’il fera dans la vie. « J’étais vraiment jeune et j’ai décidé de prendre une petite pause de l’école. » Il retourne alors à temps plein à Whistler, où il continue son rêve de planchiste et retourne travailler au restaurant Araxi.
Le Araxi est un restaurant à gros volume, mais avec des produits incroyables : les ressources de la pêche sont proches et facilement accessibles, tout comme les fermes des alentours. « Tout venait de leur jardin et ils intégraient ça dans leur menu de haute gastronomie. Les réseaux à l’époque n’étaient pas encore faits entre les fermes et les restaurants ; c’était très d’avant-garde. Je suis passé de garde-manger, à entremétier et à sous-chef. J’ai eu mon premier poste de responsabilités et c’était beaucoup de pression. Il y avait une foule de gens plus vieux que moi qui essayait de me manger. J’avais 20 ans et je travaillais dans un grand resto. J’ai beaucoup appris : à me défendre, à prendre ma place, à gérer du monde. »
Quelques années plus tard, Marc-André se blesse gravement en planche à neige. Il a 24 ans et repense son futur. « Ça a sérieusement ralenti ma carrière, mais c’est à ce moment-là que la possibilité d’être chef a cliqué dans ma tête et que les chefs sont devenus mes modèles. J’ai voulu être comme eux et j’ai commencé à être un peu plus sérieux dans cette voie. »
Marc-André décide qu’il en fera carrière et fait tout pour y arriver. Il commence par revenir à Montréal et travaille pour Claude Pelletier au Méditerranéen. « Claude Pelletier, c’est un malade (dans le bon sens). Dans la cuisine, il y était à 100 %. Il savait tout ce qui se passait, partout. C’est un artiste gastronomique ! Le sentiment qu’on avait dans sa cuisine était incroyable : il était capable de motiver une équipe avec une facilité déconcertante. Ses techniques, son engagement à rester vrai à sa cuisine, à ne pas suivre de mode, wow ! » Après deux ans sous l’aile du grand maître, Marc-André quitte pour Londres.
Il commence alors au Club Gascon, un Étoilé Michelin dans le quartier des affaires. « Le chef, Pascal Aussignac était assez éclaté : ce qu’on faisait en cuisine était incroyable, c’était une cuisine hyper moderne, avec des techniques extrêmement poussées. C’est ce que je cherchais ; un grand chef, toujours sur la brèche (rires) En plus à Londres, il y avait beaucoup d’argent et on pouvait donc se permettre beaucoup de choses. C’était exceptionnel comme endroit. » Par contre, le plus difficile est l’horaire. Marc-André travaille de 8h à minuit sept jours sur sept. « C’était dur de rester en santé, les horaires font que c’est comme une secte. Tu es super motivé, tu rencontres des vedettes, c’est un tourbillon. Des fois tu es complètement écœuré, d’autres jours, tu es remonté à fond : c’est 100 % ou rien du tout. Il y avait beaucoup de gens qui quittaient en plein shift parce qu’ils ne pouvaient pas y arriver. Tu ne prends pas de pause, ça n’existe pas. C’est dur, mais c’est là que la magie arrive. C’est une relation de haine et d’amour fou ! »
Après un train d’enfer qui dure un an, et pendant lequel Marc-André apprend beaucoup, il revient à Montréal au très chic club privé 357C. « J’ai aimé travailler avec les gens du 357C. J’arrivais de Londres, j’étais vraiment enthousiaste et le niveau de qualité de l’adresse était unique. Les employés étaient bons, la clientèle incroyable et le budget était proche de Londres. C’était du haut de gamme. À l’époque, je travaillais avec Bertrand Bazin et Antonio Park. Les trois ensembles, on faisait une super équipe. » Même si l’adresse lui offre beaucoup, c’est à ce moment-là que Marc-André commence à vouloir sa propre adresse.
Marc-André est devant un choix : repartir à l’international afin de poursuivre sa carrière de chef et pousser son niveau, ou rester et fonder une famille parce qu’il vient de rencontrer Annick. Sachant qu’il voulait des enfants, il a préféré le deuxième choix. Il se décide alors à ouvrir le restaurant St-Urbain en 2008. « J’ai décidé d’ouvrir une bonne petite place sans prétention. Et boom ! On a fait exactement ça et ça a décollé comme une fusée. » La preuve, le restaurant fonctionne encore à plein feux plus de dix ans après l’ouverture. « J’aime le St-Urbain parce que c’est resté ce que c’était depuis le début : une cuisine hyper de saison, sans menu fixe. On n’a aucun congélateur, tout est frais. Le coin où on est nous permet d’avoir des supers clients, un loyer pas trop cher, un resto qui fonctionne bien. On offre un bon service, une bonne carte des vins, des supers plats… C’est une adresse un peu chic et cher, mais dans un environnement très relax et confortable. »
Et la Bête à Pain ? « Trois ans après avoir ouvert le resto, je suis tombé sur une annonce de vente du commerce et je l’ai pris. Dans le temps, on achetait le pain pour le St-Urbain et ce n’était pas tout le temps top : il n’y avait pas trop de bonnes boulangeries — pas de Automne, Hof, ou Guillaume. J’ai toujours travaillé à faire mon propre pain, à Whistler, Londres, New York. C’était normal pour moi et je voulais la même chose pour le St-Urbain. »
Marc-André reprend donc le commerce et se décide à ouvrir sa petite boulangerie, la Bête à Pain Fleury. « Je voulais ouvrir une petite boulangerie dans ce petit local, avec un comptoir de plats pour emporter, des desserts et des pains, tous frais et tous bons, et me fournir du pain pour le resto. Le problème c’est que ça ne s’est pas passé comme je l’avais pensé. On a ouvert et je me suis dit : Oh mon dieu. C’est quoi ce monstre ?! On roulait tellement fort et tellement vite. C’était le fun, mais notre inventaire était tout le temps épuisé. »
Après quelque temps, le restaurant à côté de la boulangerie tombe en location. L’équipe de la Bête à Pain le reprend et ouvre le sous-sol, où une vraie cuisine de production est installée. « Je voulais faire des viennoiseries, mais c’était impossible. J’ai compris que chaque branche de la boulangerie a besoin d’un espace de production. On avait trop une grosse demande pour la boulangerie. Quand on utilise des bons produits, les clients reviennent deux ou trois fois par semaine, c’est top. » La Bête à Pain connaît un succès monstre et le produit vient parfaitement compléter l’offre du restaurant le St-Urbain.
Le projet de la Bête à Pain Griffintown naît en 2016 ; les gens de MUST Maison Corbeil approchent Marc-André avec le concept et il trouve l’idée super. « J’avais travaillé pas trop loin au 357C, je savais que c’était un quartier qui se développait. Je cherchais une opportunité comme à Ahuntsic. Il y a deux ans il n’y avait presque aucun autre commerce, ce n’était pas du tout comme aujourd’hui. »
Encore une fois, le succès est incroyable ! La croissance de la Bête à Pain est même difficile à gérer : « on est passé de 10 employés à maintenant 85 employés. Tous les six mois, on doit restructurer, changer l’équipement, améliorer les ressources humaines, la gestion, etc. C’est ce que j’aime en même temps… C’est une entreprise qui a un potentiel de croissance fou ! On fait de l’argent et les gens sont contents. C’est une belle entreprise. J’aime aussi que l’entreprise soit jeune, qu’on puisse encourager la jeunesse, qu’on mette de l’avant l’alimentation du Québec, les produits d’ici : allant de la farine au sirop d’érable. L’entreprise va juste tellement plus vite qu’avec un resto. On fait 6000 à 7000 personnes par semaines maintenant ! »
En janvier 2019, Marc-André ouvre la troisième Bête à Pain à Laval. Pourquoi ? « Parce que ça marche ! (rires) J’ai eu la discussion, je voulais appeler ça autre chose, mais notre l’image de marque est bonne, les gens connaissent notre produit et ça marche. Chaque Bête à Pain est un peu différente, adaptée à où on va. Celle de Laval est une fusion entre le St-Urbain et la Bête à Pain, tout va être un peu différent ; c’est un peu mon rêve cette Bête à Pain. J’aime que ce soit l’aboutissement de ce que je voulais. Avec un comptoir, une cuisine plus soignée, un fleuriste, un MUST, c’est trop beau ! » C’est effectivement à découvrir.
Si l’histoire de Marc-André est aussi « rock-and-roll » que le personnage lui-même, on ne peut qu’admirer sa fibre entrepreneuriale et sa conviction à toujours réaliser ses rêves et se battre à fond pour y arriver. Avec les années, il a su monter un empire et créer de l’emploi pour près d’une centaine de personnes à Montréal et aux environs tout en nous offrant un produit de qualité à savourer dans des espaces agréables. Longue vie à ta folie Marc-André !
Petit questionnaire
- Comment prends-tu ton café ? Macchiatto
- Quel légume cuisinerais-tu pour le reste de ta vie ? Ben la pomme de terre, je crois !
- Le poisson que tu cuisinerais pour le restant de tes jours ? Le flétan
- La viande que tu cuisinerais pour le restant de tes jours ? L’agneau
- Où irais-tu manger ce soir à Montréal ? Au Club Chasse et Pêche
- Où irais-tu en voyage n’importe où dans le monde ? En Norvège
- Que ferais-tu si tu n’étais pas chef ? Je vendrais des t-shirt aux Îles Martin
- Où vivrais-tu si tu ne vivais pas à Montréal ? À Chamonix
Petit questionnaire de l’érable
- Comment utilises-tu l’érable en cuisine ? On utilise tellement l’érable dans les Bête à Pain ; le flocon d’érable, le sucre d’érable, le sirop d’érable… On remplace très souvent le sucre par l’érable, dans les vinaigrettes, les pâtisseries, les marinades.
- Un de tes items préférés à l’érable de la Bête à Pain ? Le chausson aux pommes
- Ton premier souvenir avec l’érable ? Être petit à Mont-Laurier et aller me promener chez mon voisin pour voler son eau d’érable ! (rires)
- Que préfères-tu de l’érable ? J’aime que ce soit un produit qui représente vraiment bien le Québec. C’est intensément nous. Quand on a des amis d’Europe qui viennent, ils capotent toujours ! C’est un produit naturel, versatile, qui rajoute juste un goût comme il faut. Ça remplace le sucre et ça donne un petit avantage.
Écrit par Jean-Philippe Tastet
Photographié par Érable du Québec