Hugue Dufour revient (enfin) chez lui
            Le premier chef québécois à décrocher une étoile Michelin à New York rentre à la maison. Et tout le Québec gourmand a faim de savoir ce qu’il mijote!
Un retour qui fait jaser
Il y a des nouvelles qui font vibrer la scène culinaire québécoise. Celle du retour d’Hugue Dufour en fait définitivement partie. Après plus d’une décennie passée à New York, où il a marqué l’histoire en devenant le premier chef québécois à obtenir une étoile Michelin avec son restaurant M.Wells, Dufour revient s’installer à Baie-Saint-Paul (!!) chez nos amis du Migneron de Charlevoix.
Une annonce qui a provoqué un mélange d’excitation et de fierté dans le milieu gastronomique d’ici. Parce que derrière le chef reconnu mondialement se cache un gars du Lac, simple, travaillant, passionné, et profondément attaché à ses racines.
Le gars de Saint-Cœur-de-Marie
Quand on lui demande d’où il vient, Hugue répond avec cette humilité qui le caractérise :
 « Alma, au Lac-Saint-Jean… plus précisément Saint-Cœur-de-Marie. » Une réponse simple qui décrit bien l’humilité du chef — bien loin du chef étoilé qu’on pourrait imaginer.
Pourtant, ceux qui ont goûté à sa cuisine savent : derrière cette pudeur se cache un esprit bouillonnant, une curiosité sans fin et une envie profonde de faire vivre des émotions à travers la nourriture.
Les années de formation : Laprise et Picard comme mentors
C’est à Montréal, chez Toqué!, qu’Hugue a fait ses premières armes. Sous la direction de Normand Laprise, il apprend la discipline, le respect du produit et la rigueur de la haute gastronomie. Deux années intenses qui lui donneront les bases de tout ce qui suivra. Puis vient le Pied de Cochon. Changement de décor, de ton, d’esprit. Ici, la fête et la folie côtoient le savoir-faire. Dufour y découvre un autre visage de la cuisine : une gastronomie joyeuse, sans prétention, ancrée dans la générosité. Il y apprend qu’on peut faire du grand en s’amusant, et que les plats les plus mémorables sont souvent ceux faits avec cœur plutôt qu’avec ego. Cette expérience marquera profondément sa vision du métier — et de la vie.
New York, l’école du monde
En 2010, avec sa compagne Sarah Obraitis, Hugue quitte Montréal pour New York. Ensemble, ils ouvrent le M.Wells Dinette au MoMA PS1, puis le M.Wells Steakhouse, un petit diner installé dans un ancien garage-carrosserie de Long Island City. Là, Hugue et Sarah déploient leur univers à part, un monde où la créativité prime, où la viande côtoie les légumes oubliés, et où chaque plat raconte une histoire. Hugue propose une cuisine québécoise réinventée, brute et généreuse, qui ne cherche pas à plaire, mais qui séduit tout le monde.
M.Wells ne paie pas de mine, mais dès les premiers mois, la rumeur enfle : quelque chose de spécial se passe là-bas. Les critiques s’emballent, les foodies accourent, et rapidement, M.Wells devient le lieu où tout le monde veut manger.
Suivent des critiques élogieuses dans le New York Times, le Bon Appétit, le Eater, et quatre années consécutives d’une étoile Michelin. Une première pour un Québécois. Un exploit discret mais monumental, que le chef ne mettra jamais en avant : « C’était surtout une belle reconnaissance pour toute l’équipe », glisse-t-il simplement.
L’appel du Québec
Après plus de dix ans à nourrir New York, Hugue et Sarah ont eu envie de ralentir, de respirer autrement, de retrouver la nature et la simplicité. Fin 2024, ils ferment leur restaurant, emballent leurs couteaux et leurs souvenirs et rentrent au pays. Direction Baie-Saint-Paul, dans Charlevoix, une région déjà réputée pour son effervescence gastronomique.
« J’avais envie de revenir dans un environnement qui m’inspire, où les saisons dictent le rythme, où les gens cuisinent encore par instinct, » confie-t-il. C’est aussi un retour aux sources : la forêt, la mer, les producteurs, les pêcheurs. « Au Québec, on a des produits incroyables, des climats rudes mais riches en saveurs. Ce que j’aime, c’est cette tension entre l’abondance de l’été et la débrouillardise de l’hiver. » Le projet devrait voir le jour pour la belle saison de 2026.
Une cuisine de cœur et d’instinct
Interrogé sur ce qu’il compte servir dans son prochain restaurant, Hugue reste volontairement évasif : « Le menu va se construire au fil du temps, avec mes partenaires, selon le lieu, les gens, les saisons. Comme disait l’autre, c’est dur de penser l’histoire qui se fait. » Mais il laisse échapper quelques indices : une truite au bleu, « un plat d’une justesse et d’une finesse qui me désarment » ; des anguilles fumées, des fruits conservés dans le sirop, du baloney blondi à la poêle, ou encore des coprins chevelus cueillis sur son terrain et servis crus, en salade.
Quant à la provenance des ingrédients, il nuance : « Je crois profondément au local, mais je ne veux pas être dogmatique. On peut manger de sublimes gambas espagnoles à Madrid comme au milieu d’un désert. Ce qui compte, c’est la qualité, la justesse et l’émotion. »
La maison, le couple, la table
Chez les Dufour-Obraitis, la cuisine reste un terrain de jeu partagé. « C’est souvent moi qui cuisine, mais les idées viennent de Sarah. C’est ma muse. » Quand la famille se réunit, chacun apporte ses ingrédients et on cuisine ensemble. Leur plat fétiche ? Un ceviche péruvien avec des patates douces bouillies. Simple, coloré, vibrant. À leur image.
Une nouvelle histoire à écrire
Le futur restaurant d’Hugue Dufour ouvrira au printemps 2026, à Baie-Saint-Paul. Le nom n’est pas encore dévoilé.
 « On nommera le bébé lorsqu’on lui verra la face », dit-il en riant. Ce que l’on sait déjà, c’est que cette ouverture marquera une étape importante pour la gastronomie québécoise et mettra encore plus la région de Charlevoix sur la map gastronomique mondiale !  Un chef formé ici, reconnu ailleurs, qui revient chez lui, fort de son expérience, pour nourrir à nouveau sa terre natale — au propre comme au figuré. On a très hâte !
Le symbole d’une génération
Le retour d’Hugue Dufour dépasse le simple projet d’un chef. C’est le signe d’un mouvement plus vaste : celui d’une cuisine québécoise décomplexée, libre, ambitieuse, qui rayonne au-delà de ses frontières tout en restant profondément ancrée dans son identité !
                    Écrit par Jean-Philippe Tastet
                                                                            Photographié par Eva Maude TC