Confidences de chefs: 5 minutes avec Raphaël G. Théberge du Kundah Hôtel

Présenté par
Le chef Raphaël G. Théberge du Kundah Hotel Kundah Hotel Kundah Hotel Kundah Hotel Kundah Hotel Kundah Hotel

En collaboration avec Aliments du Québec au menu, on vous propose une série d’entretiens intimistes avec des chef.fe.s et restaurateur.trice.s qui ont à cœur de faire rayonner dans leurs assiettes les produits d’ici. Pour cette première édition de Confidences de chefs, nous nous sommes rendus à Québec, dans le quartier St-Roch, pour un tête-à-tête avec Raphaël G. Théberge, chef-copropriétaire du restaurant Kundah Hôtel

Après avoir affûté ses couteaux dans plusieurs établissements renommés à travers la province (Laurie Raphaël, Chez Boulay, La Cabane Au pied de cochon et Oregon bar à vin), le jeune chef a décidé en 2020 de lancer son propre restaurant, dont le concept était pour le moins intriguant: cuisine indienne, produits québécois. 

On l’a retrouvé dans la salle à manger tamisée du Kundah Hôtel pour discuter de son parcours, de ses aspirations et, surtout, de son amour pour la cuisine indienne et les beaux produits du garde-manger québécois.

Quel est ton premier souvenir lié à la nourriture?

J’ai toujours baigné dans la bonne bouffe. Dans ma famille, on reçoit beaucoup. Du côté de ma mère, elles sont cinq sœurs et tout le monde cuisine. Mais ma passion pour la cuisine, ça vient du CÉGEP. Je jouais au football et on se faisait toujours des grosses bouffes en équipe. Ma spécialité, c’était une jambalaya style cajun. C’est là que j’ai découvert le plaisir de cuisiner pour les autres et de manger entre amis.

Tu fais référence à ta carrière de football collégial. Est-ce qu’il y a des similitudes entre le sport et la cuisine?

L’ambiance, le rush du service. Essayer de s’améliorer constamment. Mais surtout la camaraderie et le travail d’équipe. C’est ce que j’essaie d’instaurer au Kundah Hôtel: qu’on travaille collectivement vers un but commun et qu’on partage le succès. Un service, c’est comme un match de football. La différence, c’est qu’ici il y a cinq games par semaine!

Qui ont été tes mentors en cuisine? Est-ce qu’il y a un conseil que tu appliques encore aujourd’hui?

Quand j’ai commencé Chez Boulay, Arnaud Marchand a vraiment été un bon mentor. Il m’a dit plusieurs choses importantes comme « Bouge plus vite! », mais celle qui m’a le plus marqué, c’est : « Être un bon chef, c’est d’abord être un bon gestionnaire. » Ça ne suffit pas de connaître les recettes et les techniques et d’être rapide, il faut aussi savoir gérer son restaurant.

D’où te vient ta passion pour la cuisine indienne?

Ça vient de mon voyage en Inde et des plats que j’ai goûtés là-bas. Ça a été un déclic. J’ai découvert une nouvelle façon de cuisiner. 

J’ai mangé un wazwan à Leh, dans le Jammu-et-Cachemire. C’est un menu servi traditionnellement pendant les mariages, avec de l’agneau préparé en neuf façons.

J’ai aussi beaucoup aimé le poulet tikka (poulet grillé) de Aslam Chicken à New Delhi. C’était un tout petit kiosque qui n’avait l’air de rien, juste à côté de la mosquée Jama Masjid. Autour du temple, il y a plein de kiosques de street food. C’était vraiment, vraiment bon. Inondé de beurre, plein d’épices.

Comment t’es venue l’idée de marier cette cuisine avec les produits locaux?

Je voulais apporter quelque chose de nouveau à notre quartier et ultimement au Québec, briser des barrières entre les cultures. Pas juste faire de la poutine parce que je suis Québécois. 

J’ai vu un spectacle d’Adib Alkhalidey qui racontait un souper chez ses beaux-parents québécois. Il disait: « Il y avait beaucoup à manger, mais ça ne goûtait rien! Vos ancêtres ont traversé des océans pour rapporter des épices. Mettez-en dans votre bouffe! » Ça m’avait bien marqué!

Au Kundah Hôtel, on cuisine avec des épices qui viennent de l’Inde, mais surtout avec des produits frais qui proviennent majoritairement du Québec. C’est important pour moi d’avoir un contact direct avec le producteur. D’avoir le moins d’intermédiaires possible entre le produit brut et le resto. 

Ton plat préféré (dans la vie et sur ton menu)?

Dans la vie: une côtelette de porc grillée sur un feu de bois, avec de la sauce piquante, du sel, un peu de poivre.

Sur notre menu, je pense que c’est le Poulet Achari tikka, qui est là depuis le début. « Achari » signifie « pickle » ou « mariné au vinaigre », et « tikka » veut dire « morceau grillé ». On les fait avec des hauts de cuisse, la partie la plus tendre et juteuse du poulet, comme le savent les connaisseurs. La marinade au vinaigre, avec le sel et les épices, permet à la viande de rester très juteuse, même si elle est très bien grillée de chaque côté. On vient ensuite napper le poulet avec une sauce au yogourt et beurre noisette et notre sauce piquante maison. C’est ma version du poulet de Aslam Chicken.

Un aliment québécois qui mériterait d’être davantage apprécié selon toi?

Je pense que le fromage en grain n’a pas toutes ses lettres de noblesse. On le regarde un peu de haut parce qu’il se retrouve à côté de la caisse au dépanneur, mais je trouve vraiment que c’est un excellent produit. Quand je vois un sac de fromage en grains avec un peu de saumure au fond, il n’y a pas grand chose qui bat ça, selon moi.

Sur notre menu, on met aussi en valeur les bourgots et les mactres de Stimpson. Les gens connaissent surtout le homard, les crevettes nordiques et le crabe des neiges, mais il y a beaucoup d’autres espèces méconnues dans le fleuve. C’est souvent ma conclusion quand je reviens de voyage. On a tellement de richesses au Québec, je ne comprends pas qu’il n’y ait que le homard qui soit populaire. À quand la guédille aux bourgots?

Un aliment du Québec dont tu ne pourrais jamais te passer?

Je suis un grand fan d’ail! Qu’il soit frit, frais ou confit, l’ail amène du goût et de la profondeur au plat. Et l’ail du Québec, ça n’a rien à voir avec celui de Chine, qui est tout desséché. Il est sucré et collant. C’est tellement bon!

Un produit local que tu as découvert récemment?

Le chaga. C’est un gros champignon qui pousse sur les bouleaux jaunes de nos forêts. Il est très nutritif et se travaille bien. Il parait que si tu bois une tisane au chaga chaque jour, tu vas avoir la vie éternelle. [rires]

Où te vois-tu dans 5 ans?

En train de faire des côtelettes de porc au BBQ devant le Kundah avec ma petite communauté! [rires] Je suis fan de barbecue, de feu et de produits du Québec, j’aimerais bien intégrer ces éléments et poursuivre cette idée d’élargir les frontières de la bouffe québécoise, que ce soit avec de la bouffe indienne ou d’ailleurs. Faire du fast food d’inspiration indienne, ça me parle. Au lieu de dépenser 20$ pour un trio chez McDo, il y a moyen de manger sainement pour un prix juste et que ça soit savoureux.

Aussi, quand tu es chef et que ça va bien, tu arrives à déléguer un peu plus. Heureusement, parce que ma blonde est sur le point d’accoucher! Donc je vais prendre des petites vacances pour m’occuper de ce nouveau projet. Ça peut être drainant la vie de chef et j’ai envie de bien faire ma job de père. 

Félicitations, Raphaël!

Merci!


Photographié par Mikael Lebleu

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