En collaboration avec Aliments du Québec au menu, on vous propose une série d’entretiens intimistes avec des chef.fe.s et restaurateur.trice.s qui ont à cœur de faire rayonner dans leurs assiettes les produits d’ici. Cette fois-ci, on fait une petite entorse au concept, parce qu’on ne pouvait parler du chef Raphaël Vézina sans parler aussi de sa soeur et partenaire, Laurie-Alex, qui sont aujourd’hui à la barre du restaurant qui porte leur nom, le Laurie Raphaël, institution phare de la Capitale nationale.
C’est en 1991 que leurs parents, le chef Daniel Vézina et sa conjointe Suzanne Gagnon, ont ouvert le restaurant dans le Vieux-Québec. Laurie-Alex et Raphaël ont littéralement grandi dans les cuisines du Laurie Raphaël. Le restaurant s’est rapidement imposé comme l’une des plus grandes tables du Québec et l’un des pionniers de la gastronomie locale, forgeant sa réputation sur la mise en valeur des ingrédients du terroir québécois.
Trois décennies plus tard, c’est à leur tour de mener le bateau et de poursuivre le travail amorcé par leurs parents. Si le paysage gastronomique québécois a bien changé depuis l’ouverture du Laurie Raphaël, leur passion pour le local et leur engagement à faire rayonner les produits d’ici, eux, sont restés intacts.
Entretien avec deux passionnés de la gastronomie locale, de génération en génération.
Ça fait maintenant un peu plus de cinq ans que vos parents vous ont passé le flambeau et plus de 10 ans que Raphaël est aux commandes des cuisines. Comment le Laurie Raphaël a-t-il évolué depuis ce temps?
Raphaël: La ligne directrice a toujours été la même: mettre les produits en valeur tout en respectant et en s’inspirant des saisons et de ce qu’elles représentent. La grosse différence c’est qu’il y a 30 ans, on faisait manger 150 personnes par soir et maintenant on n’en sert que 40, donc on peut amener l’expérience beaucoup plus loin.
Vous avez pratiquement grandi dans le restaurant. Quels sont vos premiers souvenirs du Laurie Raphaël?
Raphaël: Éplucher des haricots cocos pendant des heures avec mon père quand j’avais 5 ans. Frotter des cuivres comme premier travail à 12 ans.
Laurie-Alex: Je me souviens qu’on flânait parfois dans le resto et je me faufilais dans la pièce entre le bureau et la cuisine (l’économat) pour voler des pastilles de chocolat dans les grosses chaudières de 20 L. Une vraie mine d’or!!!
Votre père, tout comme son ami Normand Laprise du Toqué! à Montréal, a toujours été un farouche ambassadeur de la gastronomie locale et des produits du terroir québécois. En aviez-vous déjà conscience quand vous étiez jeunes?
R: Oui. Vers le milieu des années 1990, avant que ce soit vraiment à la mode – je dirais même qu’on ne parlait pas vraiment encore de «terroir Québécois» –, on partait souvent à Charlevoix pour aller rencontrer des producteurs qui débutaient, comme Jean Leblond [ex-réalisateur télé et fondateur du Jardin des chefs, aux Éboulements], ou aux Îles de la Madeleine pour pêcher les pétoncles princesses.
L: Pour ma part je pense que je n’étais pas vraiment consciente de tout ce qu’on faisait ou qu’on voyait dans ces visites et de qui étaient ces gens, peut être parce que j’avais trois ans de moins que Raph. Avec du recul, je réalise à quel point ces expériences-là nous ont imprégnés quand on était jeune!
Est-ce que c’était important pour vous de préserver ce legs quand vous avez repris les rênes du restaurant?
R: Oui, c’est plus qu’important, c’est la base de notre travail, s’approvisionner! Avant la création, l’exécution et la rigueur, vient l’approvisionnement.
En plus de faire rayonner les produits du Québec, vous êtes très impliqués dans la protection des ressources marines et l’élimination du gaspillage alimentaire. De quelle façon contribuez-vous à ces causes?
R: D’abord, on priorise un contact direct avec nos fournisseurs, donc le circuit le plus court possible. Ensuite, on les fait rayonner le plus possible dans le resto auprès des clients. On les informe sur les enjeux et sur la réalité de nos producteurs et de leurs ressources pour que les gens puissent comprendre l’importance qu’ont leurs choix d’aliments.
Le Laurie Raphaël a fêté ses 30 ans il y a quelques années. Comment entrevoyez-vous les 30 prochaines?
R: Constance, rigueur, plaisir, partage, créativité, famille. Plus ça change, plus c’est pareil !
L: Avec le contexte économique actuel et les difficultés qu’on vit dans notre domaine, je souhaite juste qu’on puisse travailler dans notre resto, faire ce qui nous passionne en continuant de s’améliorer, d’améliorer notre qualité de vie et celle de nos employés.
Avez-vous d’autres projets dans la mire?
R: Une nouvelle offre complémentaire va voir le jour très bientôt dans notre petit local d’à côté! 😀
En rafale
Votre plat préféré en ce moment sur le menu?
R: Le bœuf, qu’on sert avec des morilles et de l’asperge. Je trouve que ça représente bien le printemps!
Un aliment du Québec méconnu que vous aimez faire découvrir à votre clientèle?
R: Le safran nordique et le foin d’odeur. Ce sont mes ingrédients chouchous.
Un produit du Québec dont vous ne pourriez jamais vous passer?
R: Le maïs parce que c’est trop bon et qu’on est un des peuples qui le valorise le plus. Ça nous représente bien!
Un ingrédient local que vous avez découvert ou redécouvert récemment?
R: L’huile de caméline torréfiée de Signé Caméline. Ça faisait quelques années que je l’avais mise de côté et récemment j’en ai mixé avec une réduction de jus de carottes et le goût est vraiment là!
Le produit du Québec que vous cuisinez le plus souvent à la maison?
R: C’est drôle à dire, mais j’adore cuisiner le chou-fleur. Ça passe bien avec toute la famille et c’est super sur le BBQ l’été.
Écrit par Mikael Lebleu
Photographié par Mikael Lebleu