Marc-Olivier Frappier, 30 ans, anciennement chef exécutif des restaurants Joe Beef, Liverpool House, et Vin Papillon, est aussi copropriétaire des restos Vin Papillon, Mon Lapin et du McKiernan Luncheonette (!) portrait d’un chef de la relève, créatif, et très travaillant.
Les débuts
« La manière dont j’ai commencé à m’intéresser à la bouffe n’est vraiment pas romantique. (Rires) J’avais une situation familiale particulière et j’ai dû apprendre à être indépendant très rapidement. Je regardais souvent la télé en mangeant, et je regardais toujours Josée Di Stasio. C’est elle qui m’a donné envie d’apprendre à cuisiner. Avec mon premier argent de gardiennage, je me suis même acheté son livre et une machine à pâtes ! »
Marc-Olivier vient de Saint-Hyacinthe. Si sa rencontre avec la cuisine n’est pas romantique, son talent et sa créativité, eux, sont indéniables. Marc-Olivier commence rapidement à être captivé par les techniques de cuisine. « Je travaillais beaucoup et j’étais fasciné par les choses les plus simples : comment faire du beurre, des galettes de sarrasin, etc. J’ai décidé que ça m’intéressait, et j’ai commencé à cuisiner pour mon père, ma mère, puis pour tout le monde. »
Marc-Olivier commence en bas de la chaîne. Son premier job est au Tim Hortons ! « J’étais content de commencer dans une chaîne ; ça t’apprend la rigueur au travail et c’est important. J’avais 15 ans quand j’ai commencé, et j’ai vite appris l’importance d’une chaîne de travail, le professionnalisme, le travail pur et dur qui finalement te sert toute ta vie. Ce que tu sers aux clients est évidemment très différent, mais la routine est finalement quand même similaire à celle des grands restos. »
Après le Tim Hortons, Marc-Olivier travaille dans la populaire chaîne St-Hubert. « C’était la première fois que je faisais du salé et j’ai capoté ! »
Ne sachant toujours pas trop quoi faire dans la vie, il décide de s’intéresser au voyage et aux langues. À 17 ans, il quitte seul le Québec pour l’Italie. Il travaille près de Bologne ; « et comme dans l’esprit de Josée Di Stasio, les gens chez qui j’habitais cuisinaient comme des fous ! J’ai adoré. À ce moment-là, j’étais inscrit en psychologie au Cégep. J’ai tout cancellé et décidé de faire cuisine professionnelle à l’ITHQ. »
Pendant ses études, Marc-Olivier travaille au feu Il Mulino, par la suite connu sous le nom Hostaria, situé dans la Petite-Italie.
« Je suis ensuite retourné travailler en Italie, à Vérone, dans un resto où l’école m’avait placé. On cuisinait des trucs weirds, genre du pigeon au chocolat, mais j’ai quand même aimé ça ; l’Italie, c’est juste nice. » Marc-Olivier tombe encore plus amoureux de la cuisine et peaufine ses techniques. Il part ensuite faire un mini stage de deux semaines au Momofuku de New York, avant de revenir à Montréal.
Joe Beef
En 2008, à son retour, il applique à trois endroits : Unique Trattoria, Café Vespa et au Joe Beef. « Je ne connaissais pas le Joe Beef, c’était tout petit à l’époque. Une chance qu’ils m’ont pris, sinon ma vie aurait été bien différente ! » (Rires) Marc-Olivier est engagé au Joe Beef et commence encore une fois au bas de l’échelle. Il est présent pour la fermeture du petit McKiernan, l’agrandissement du Joe Beef et puis pour l’ouverture du Liverpool House. Il commence comme garde-manger, puis monte rapidement commis, avant de devenir chef du restaurant… à 23 ans (!)
« La devise du Joe Beef c’est « everything’s possible », soit tout est possible, tout est faisable. L’entreprise est très axée sur le DIY (do it yourself) dans tout. Cette école de pensée, ça permet d’apprendre énormément quand tu es employé. N’importe qui ayant de quelconques ambitions d’ouvrir son propre resto ou prendre une position de chef, l’opportunité est là. C’est unique comme façon de travailler. »
Encore aujourd’hui, le restaurant est une des adresses les plus populaires en ville. Le plat préféré de Marc-Olivier Joe Beef ? « Mon plat préféré au Joe Beef, c’est probablement les ris de veau. J’adore aussi le BBQ. Ça fait sept ans que je travaille avec les gars sur le menu au Joe Beef ! C’est fou. J’aime aussi beaucoup les oursins, les huîtres, l’esturgeon et l’anguille fumée. »
Vin Papillon
Rapidement il devient très proche de Vanya, la célèbre sommelière des restaurants et le duo devient un couple. « Un jour, on s’en allait en roadtrip avec Vanya et on a vu l’espace du Vin Papillon à louer. J’ai tout de suite appelé Dave (David McMillan) pour savoir s’il connaissait ceux qui avaient la bâtisse. On a tout de suite pris le local. »
Au début, le Vin Papillon devait être une rôtisserie avec du vin nature — « J’ai toujours aimé le St-Hubert… » (rires) Finalement, Le Vin Papillon est devenu ce qu’il est devenu, c’est-à-dire des petites assiettes délicates axées sur les légumes et le vin nature.
« Quand on a ouvert le Vin Papillon, j’ai dit aux gars que je voulais être partenaire. C’était mon commitment à travers eux. Ce qui est vraiment cool de Fred (Morin) et de Dave (David McMillan), c’est qu’ils sont de super gestionnaires. Ils sont capables de s’asseoir, prendre du recul et donner aux employés qui veulent continuer la lignée, le potentiel et les moyens de le faire. On agrandit la famille avec notre gang. »
À 24 ans, Marc-Olivier devient donc le chef de cuisine et le copropriétaire de Vin Papillon. « J’étais vraiment jeune, j’ai fait beaucoup d’erreurs, mais j’ai appris de chacune d’entre elles. » David, Fred et Allison ont beaucoup aidé, au début, avec l’ouverture du resto. Ils ont ainsi donné la chance à Marc-Olivier et Vanya de prendre leur place et de créer un restaurant un peu plus à leur image.
Le Vin Papillon connaît un succès monstre. Les critiques sont dithyrambiques, et les clients affluent sans cesse. Tout plaît : la cuisine simple et savoureuse, les vins exceptionnels, le service, l’ambiance festive, le décor et la terrasse ! « On est chanceux d’avoir une terrasse à l’arrière, qui donne sur un parc, ça donne une vibe unique et vraiment cool. »
« Le Vin Papillon, c’était ma première expérience en tant que co–proprio. J’ai appris à mettre en place des systèmes, la chose la plus importante (!), j’ai appris à créer une équipe, partir un resto, partir de zéro, faire du essaie-erreurs. Tu peux avoir lu tous les livres, si tu n’as jamais vécu ça, c’est quelque chose la première fois. En plus, on n’engage personne de l’externe ; on fait le design, on fait le décor, on n’a pas de styliste, de conception de menu ou de création. Il y a une vie de choses à apprendre. »
Son plat préféré du Vin Papillon ? « Ce que je préfère du Vin Papillon, c’est le BBQ l’été ; tout ce qu’on y fait. J’adore. Aussi, le jambon, j’en mangerais toujours. »
Mon Lapin
Marc-Olivier et Vanya habitent la Petite-Italie et ont toujours souhaité faire quelque chose ici. « On voulait ouvrir quelque chose dans notre quartier, qui s’inspire de la joie de vivre du Joe Beef et de la nourriture italienne sans être une cuisine italienne. On voulait que les gens du quartier puissent se reconnaître sans être déstabilisés, mais en étant agréablement surpris. Je pense que ce qui fait notre force est notre bonne nourriture oui, mais surtout notre hospitalité, notre joie de vivre, l’ambiance qu’on a dans nos adresses, on se démarque pour ça. »
Marc-Olivier et Vanya prennent donc le leadership dans la conception du restaurant Mon Lapin. « J’ai eu beaucoup de liberté avec ce projet, et j’ai eu beaucoup de plaisir ! Le Vin papillon, c’était un peu « facile », parce que les autres restos sont juste à côté. Si pendant un rush on manquait de quoi que ce soit, je ne faisais qu’aller dans un autre resto le chercher. Ici, on a dû apprendre à être autonome à 100%. On a dû apprendre à travailler indépendamment des autres. »
Encore une fois, le restaurant connaît un succès incroyable et tout le monde y accourt. Pour de bonnes raisons : un peu plus petit que les autres projets, il se trouve pour la première fois dans un autre quartier que le Sud-Ouest, dans la Petite-Italie. Le décor est plus lumineux et coloré que les autres projets du groupe. On retrouve la même joie de vivre, les mêmes merveilleux vins et des petites assiettes exceptionnelles. Une de nos adresses préférées en ville.
La suite
Qu’est-ce qui a changé dans le quotidien ? « J’haïs le terme, mais je suis comme devenu le « chef exécutif » dans tous les projets. Chef et chef exécutif, c’est la même chose, mais exponentiel ! (Rires) Tu fais les mêmes tâches, mais d’une façon vraiment plus intense. Avant, je pouvais un peu get by à être moins bien organisé, mais maintenant je suis plus rapide à tout faire, parce que j’ai compris l’intérêt. On a beaucoup de monde maintenant, en tout, on engage 95 personnes, dont une quarantaine en cuisine ! »
Son conseil pour le succès ? « C’est vraiment important d’être dans les restos chaque soir. Quand tu prends cette position, tu es obligé d’être hands on. C’est vraiment beaucoup d’organisation, de travail et d’engagement. »
Marc-Olivier a décidé de ralentir la cadence et de quitter le groupe Joe Beef. Il s’assure maintenant du bon fonctionnement de Mon Lapin avec Vanya. Il est aussi copropriétaire du projet Mckiernan Luncheonette qui a ouvert le 11 septembre dans un immense local de 7 000 pieds carrés dans le sud-ouest de Montréal.
Si on aime autant Marc-Olivier, c’est qu’il inspire par la rigueur de son travail et par sa capacité à toujours s’améliorer et apprendre. Il a réussi à accomplir énormément, prendre des risques, s’impliquer, se donner et s’améliorer. Tout le succès qu’il vit actuellement, il a travaillé pour, et ça, on ne peut qu’avoir du respect pour. Bravo pour tous les projets extraordinaires et on est très excités pour la suite !
Écrit par Élise Tastet