Jessica Noël : une des meilleures cheffes à découvrir

Jessica Noël a grandi en cuisinant en famille, aux côtés de sa mère et de sa grand-mère : « mes débuts ne sont pas très originaux… ! » Plot twist : elle était issue d’une famille qui cuisinait certes, mais aussi de militaires et de grands voyageurs. Sa grand-mère rapportait de ses voyages autour du monde des influences originales. Elle aimait varier les saveurs et éveiller la curiosité culinaire de sa petite-fille. Merci, grand-maman Marquis : vous aurez participé à former une des meilleures cheffes en ville !
Son adolescence a été marquée par les émissions de Josée di Stasio et du Food Network. Mais, à ce moment, une carrière en cuisine ne semblait pas réaliste ; elle s’est donc dirigée vers la nutrition. Elle s’est rapidement rendu compte qu’elle avait quelques lacunes académiques : « la physique n’était pas mon fort, mettons ! »
Elle se réoriente alors vers la commercialisation de la mode et le marketing. Elle travaille pour des chaînes de vêtements canadiennes en tant qu’acheteuse, mais passe cependant plus de temps à penser à ce qu’elle allait cuisiner le soir qu’à son travail.
Une crise existentielle à la mi-vingtaine la pousse à s’inscrire à l’ITHQ en 2012, mais elle est refusée faute d’expérience en restauration. Après ce refus, elle se trouve un emploi dans une boulangerie, où elle prépare des sandwichs à 3h du matin pour commencer à bâtir ses compétences.
Un ami chef l’encourage plutôt à cogner aux portes des meilleurs restaurants de Montréal pour y faire un stage, en promettant que si elle avait la bonne attitude et la volonté, un emploi lui serait sûrement offert. Elle tente sa chance au Toqué ! sous Charles-Antoine Crête. Elle jongle entre la boulangerie et le stage jusqu’à l’épuisement (elle s’endormait parfois dans l’autobus en rentrant), mais elle est tellement motivée par les apprentissages qu’elle est plus que comblée par sa nouvelle voie. Après le stage, elle obtient un poste au garde-manger.
Grâce à cette expérience, Jessica Noël est enfin acceptée à l’ITHQ ! Elle pense déjà à l’endroit où elle voudrait faire son stage d’été. Son intérêt pour le mouvement farm-to-table la mène à Blue Hill at Stone Barns, du chef Dan Barber, qui admire beaucoup Normand Laprise. Le contact est fait entre les deux chefs et ils l’accueillent à bras ouverts : « J’ai eu beaucoup de chance tout au long de mon parcours, d’avoir des chefs prêts à m’aider, me supporter dans mes démarches. J’en serai toujours reconnaissante. »
Au Blue Hill at Stone Barns, elle découvre une approche où le produit prime sur l’esthétique, loin des standards traditionnels de Michelin. Le menu change chaque jour, sans structure rigide, ce qui l’enchante. Cependant, un visa compliqué à obtenir l’empêche de rester. Elle revient à Montréal et intègre un programme de formation supérieure en cuisine (FSC) à l’ITHQ.
À son retour, en 2013, elle cherche un nouveau défi. Elle rencontre Marc-Olivier Frappier, chef du nouveau Vin Papillon, et commence à y travailler. Elle apprend sur le tas en réalisant toutes sortes de tâches, du désossage de cailles à la préparation de terrines.
Jessica Noël gagne une bourse Relais & Châteaux offerte par l’ITHQ. Entre son stage de FSC et la bourse, elle enchaîne quatre stages de trois mois chacun, à Lyon, Vienne, Stockholm et Valence. Elle fait ensuite un passage express chez Paul Bocuse, où elle est marquée par la rigueur et la tradition. Elle y accumule des connaissances culinaires mais aussi, surtout, des méthodes d’organisation de cuisine et de gestion : des choses à chérir… et d’autres à éviter.
En 2015, Dan Barber de Blue Hill la recontacte et l’aide à obtenir un visa pour travailler aux États-Unis. Elle part donc pour deux ans à Blue Hill, où elle approfondit sa compréhension de l’agriculture et du produit brut : « J’adore cet endroit, j’adore le fait que la qualité du produit soit au centre de tout. On n’est pas dans le superficiel, on est dans des goûts extraordinaires, et tout ça avec des gens passionnés ! »
En 2017, après une période d’introspection, elle rentre à Montréal sans projet défini. Marc-Olivier Frappier lui propose alors de déjeuner et lui parle du projet de Mon Lapin. L’aventure commence officiellement le 6 mars 2018, avec une approche ultra-collaborative où chaque détail du menu est pensé collectivement entre les deux chefs. Marco et Jessica sont un peu le yin et le yang professionnels l’un de l’autre.
Mon Lapin gagne deux fois de suite le titre de meilleur restaurant du Canada (!). L’ambiance festive et l’expérience en salle deviennent un différenciateur clé de Mon Lapin. Contrairement aux restaurants strictement gastronomiques, l’équipe met un point d’honneur à offrir un service chaleureux et décontracté. Quand on mange au Mon Lapin, il n’y a pas de flafla ni d’assiettes intellectuellement surpensées ; il y a des produits exceptionnels, travaillés avec créativité et goût. Tout goûte bon et c’est tellement le fun !
En décembre 2024, Jessica participe aussi à l’ouverture du nouveau projet Rôtisserie La Lune, une adresse où elle applique sa philosophie culinaire axée sur la simplicité et l’essentiel. En 2026, elle publiera un livre avec Marco et Vanya chez Phaidon (!), mettant en avant des recettes des restaurants, des recettes personnelles et des suggestions de vins à travers chaque chapitre.
Si une partie du succès du groupe doit être attribuée à la synergie unique du couple de puissance Vanya Filipovic et Marc-Olivier Frappier, la dynamique des co-chefs y est définitivement pour beaucoup ! Plus réservée en cuisine que Marco, Jessica fait pourtant partie intégrante de la réussite du Mon Lapin, de la rôtisserie La Lune et des projets qui gravitent autour. C’est une des cheffes les plus talentueuses, rigoureuses et créatives de Montréal, et la scène culinaire ne serait pas la même sans Jessica Noël et son apport !
Écrit par Élise Tastet