Aicia Colacci : cheffe extraordinaire toujours en quête de nouveaux défis
« J’ai 38 ans, et je suis une femme de 4 pieds 11 pouces. Jamais dans ma carrière je ne me suis sentie mal d’une de ces choses. J’ai toujours voulu beaucoup et j’ai travaillé fort pour l’avoir. J’ai toujours voulu être traitée d’égal à égal, j’ai donc toujours été autosuffisante. Les actions démontrent ce que chaque personne veut vraiment. » Aicia Colacci a beau ne mesurer que 4 pieds 11 pouces, cette femme déterminée et passionnée s’occupait de la cuisine d’un des meilleurs restaurants de Montréal et charme par son charisme et son talent.
Comme beaucoup de gens, Aicia n’avait pas d’idée réelle de ce qu’elle souhaitait faire dans la vie. Elle a commencé sa carrière dans une agence de publicité. « J’étais coordonnatrice et acheteuse, mais surtout, j’étais malheureuse. Je faisais mon travail, mais sans plus ; je sentais toujours qu’il me manquait quelque chose. Je souhaitais avoir un travail qui me satisferait et dans lequel je pourrais m’accomplir. Je n’étais pas passionnée et je cherchais toujours quelque chose d’autre à faire. »
« Ma grand-mère était cuisinière et la nourriture a toujours été très importante dans ma famille. J’ai toujours été intéressée par la cuisine. La cuisine a toujours fait partie de ma vie. » Pourtant, Aicia commence à cuisiner à 25 ans, au moment où elle décide d’aller à l’école de cuisine Pius Culinary Institute and Business Centre à Ahuntsic.« J’ai sauté dedans et ç’a été dramatique ! Love at first sight. »
Pour pouvoir aller à l’école, Aicia doit travailler. Elle trouve donc un travail de réceptionniste à temps plein et va à l’école à temps partiel le soir. « J’ai toujours été intéressée par la cuisine, mais je n’ai jamais pensé en faire un métier à cause de toute la connotation négative. On te dit que la vie sera difficile, que tu n’auras pas de vie et que tu travailleras des heures de fou Tout est vrai, mais finalement je faisais un peu ça en publicité, sans jamais être passionnée Au moins, en cuisine, j’adorais ce que je faisais ! Everything just made sense. J’ai tout de suite su que je voulais travailler là-dedans et que je voulais devenir la meilleure possible. Toutes les longues heures n’avaient plus d’importance. »
Aicia travaille au Primadonna en 2006 et y reste deux ans. À l’époque le boulevard Saint-Laurent est très cool et les propriétaires se partagent l’ensemble des établissements de cette section de la Main : Globe, Buona Notte, Primadonna et bien plus. « J’ai beaucoup aimé le Primadonna parce que le chef avec qui je travaillais, François Lorrain, était merveilleux. Il m’a montré la liberté et l’efficacité et m’a donné la possibilité de stimuler ma créativité. J’ai pu faire mes propres erreurs. Il n’était pas en train de faire de la microgestion avec moi, il me guidait et m’aidait à me développer. Il a été un excellent premier chef et m’a appris à avoir confiance en moi. »
Aicia quitte ensuite pour Valence, en Espagne, pour travailler dans un petit restaurant qui s’appelait Cantina. C’est un petit resto d’une trentaine de places tenu par un couple. « C’était une belle expérience et ç’a été intéressant d’aller étudier dans un autre pays. Ça m’a aidé à réaliser ce que je voulais. »
À son retour, Aicia va travailler au restaurant Bice où un poste de chef de partie garde-manger lui est offert. Là-bas, elle travaille sous la direction du chef exécutif, Rosario Gurreri et de la cheffe de cuisine Jennifer Nickel, qui devaient devenir deux de ses mentors les plus importants et des amis. « Jennifer m’a tellement appris sur les techniques qui entourent la nourriture et sur le leadership et la gestion. Elle m’a appris l’importance de connaître l’ingrédient derrière la recette. D’où vient cet ingrédient ? Comment se cuisine-t-il ? Comment le rendre meilleur ? Où ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? J’utilise encore tout ça aujourd’hui dans mon day-to-day. »
Le Bice est beaucoup plus grand que les restaurants dans lesquels elle a travaillé jusque là. C’est un établissement très occupé et il y a beaucoup d’employés. Son rôle est de former les gens et les rendre meilleurs ; elle aide aussi avec le service traiteur et c’est elle qui occupe le poste des pâtes pendant 2 ans. « Ç’a été incroyable. J’ai adoré l’adrénaline et le rush. J’ai aimé le sentiment d’accomplissement personnel et la fierté d’avoir des buts et de pouvoir les atteindre, en devenant toujours meilleure que la veille. Je me suis améliorée, améliorée et encore améliorée. Et puis, j’ai décidé que mon but était de devenir cheffe. And there was no going back. »
En 2013, Aicia quitte le Bice pour ouvrir le restaurant Jalouse à Rosemère. Le Jalouse est la première expérience d’Aicia en tant que sous-cheffe et elle a beaucoup de responsabilités. Le restaurant a plus de 200 places, plus de 10 personnes en salle et 10 personnes en cuisine. « Je m’occupais des pâtes (garde-manger en premier) , j’avais beaucoup plus de responsabilités et je devais m’occuper du bon fonctionnement de la cuisine. C’était un nouveau challenge : je devais m’assurer que tout était propre, que tout fonctionnait — service, food cost, plats, etc. Ç’a été un très bon exercice et j’ai beaucoup appris. Entre autres, que je n’aimais pas travailler dans un restaurant de 200 places assises ! » Le restaurant ferme rapidement ses portes. Aicia fait le point sur tout ce qui s’est bien passé et mal passé : « J’y ai beaucoup appris ! Ç’a été un moment crucial pour moi. J’ai décidé que je voulais faire des pâtes et je voulais être dans un restaurant qui irait bien avec mon identité. »
Elle cherche en ligne des offres et tombe sur celui de « pâtes entremétier» au Nora Gray. « Je savais une chose, c’était que je voulais travailler pour un restaurant où je pouvais faire une différence ! » Elle postule et obtient le poste. Elle commence et y apprend une foule de choses — « Emma m’a tellement appris ! Elle est stricte. C’est une chef remarquable. » Aicia en apprend beaucoup sur tout ce qui entoure les pâtes fraîches et est constamment mise au défi. La cuisine est très petite et les trois cuisiniers qui sont sur la ligne travaillent sans relâche. « J’ai adoré mon expérience là-bas. J’y ai entre autres compris que quand tout le monde fait sa part des choses dans une adresse qui roule tout le temps, la difficulté se transforme en fun. » Même si Aicia adore le Nora Gray, elle se sent rapidement restreinte. « Je pense que c’est entre autres parce que je suis plus âgée… Je voulais monter les échelons et le resto n’avait pas d’ouverture pour moi à ce moment-là, c’était un choix logique. »
Un peu par hasard, Aicia va souper au restaurant Impasto un soir de semaine. « Dès que je suis entrée là, j’ai eu un coup de cœur. » Quelques semaines plus tard, le chef Yann Turcotte quitte Impasto pour ouvrir Tousignant avec Michele et Stefano. La position de chef du Impasto se libère et Michele l’offre à Aicia. Elle accepte et commence en tant que chef de cuisine et responsable des pâtes du Impasto. « Ils avaient besoin d’un chef de cuisine ET d’une personne aux pâtes. C’était extrêmement demandant. »
« Des produits québécois avec un héritage italien : c’est notre style ! Impasto est encore une fois un endroit idéal pour apprendre. Au début, tous les jours mon learning curve était through the roof. C’était malade ! Michele est un mentor exceptionnel. C’est une encyclopédie de la nourriture. Michele et Stefano sont des boss absolument extraordinaires. Les pâtes et la nourriture italienne, c’est sa passion, et c’est aussi la mienne. »
Aicia a toujours mis son 150 % dans Impasto et, chaque année, le restaurant s’améliore. « Le restaurant est très occupé. Il y a beaucoup d’attentes, mais ce n’est pas difficile quand le staff est merveilleux. J’engage uniquement des gens qui sont talentueux, mais aussi gentils, pas hostiles ni volatiles. Est-ce qu’ils veulent apprendre ? Si oui, ils doivent avoir de l’intégrité, du savoir-vivre et bien traiter les gens autour d’eux et les produits qu’ils travaillent. Je crois fortement qu’il est important d’investir dans les cuisiniers, de toujours leur apprendre plus de choses et apprendre d’eux, les aider à devenir créatif, les pousser pour qu’ils s’améliorent, bien les payer. Ça fait grandir toute l’entreprise. »
« J’aimerais continuer de travailler au Impasto. Et enseigner le plus possible. Aider les gens autour de moi à en apprendre le plus possible ce en quoi je crois. Pour moi, être un chef, c’est être un cuisinier . C’est d’apprendre et continuer à apprendre et l’appliquer au restaurant. Je cuisine et j’adore manger. J’espère que les gens qui viennent au Impasto le sentent… cooking for me is about soul, layers and foundation.Ce que je préfère du rôle est toujours de cuisiner. Il y a beaucoup d’aspects qui sont difficiles dans le métier, mais je pense que celui d’enseigner est le plus difficile ; s’assurer qu’il n’y a pas trop de rotation, s’assurer de la bonne gestion. C’est très challenging et j’adore ça. »
Écrit par Élise Tastet
Photographié par Alison Slattery