Magnus Nilsson : 22 choses à savoir sur le chef
Anciennement chef propriétaire du Fäviken, l’un des 50 best restaurants in the world, Magnus Nilsson a 38 ans et a Deux Étoilés Michelin à son actif. Vous l’avez également peut-être vu aux émissions « Mind of a Chef Saison 3 » ou « Chef’s Table ». Le jeune chef suédois est une vedette médiatique du monde de la gastronomie !
Si Massimo Bottura nous avait semblé passionné et passionnant à la télévision, Magnus Nilsson, lui, nous avait paru plutôt strict et intellectuel. Or, on a eu l’opportunité de passer une journée avec le chef dans le cadre de sa tournée de promotion du livre Cuisine des pays nordiques. À en juger par nous-mêmes, c’est avec le plus grand plaisir qu’on a découvert qu’en plus d’être rigoureux et intellectuel, Magnus Nilsson est aussi talentueux, passionné, gentil, humble et cherche constamment l’amélioration. Rencontre d’un chef intelligent des plus inspirant.
Quelques petites choses intéressantes à savoir sur le chef :
- Magnus Nilsson n’a jamais regardé son épisode de Chef’s Table, ni celui de Mind of a chef!! « Je n’ai jamais regardé ceux des autres chefs non plus. J’ai essayé, mais je les connais trop bien, et à chaque fois je trouvais que ce n’est pas vraiment représentatif, alors le mien, je ne pourrai simplement jamais le regarder. »
- Son plat préféré est le pudding au riz (!) « I just love it. »
- Il a d’abord voulu être un ingénieur parce qu’il adore assembler les choses et comprendre comment elles sont faites.
- À 16 ans, il a quitté le nid familial pour aller dans un boarding school de ski et de chefs. « J’y ai principalement appris combien il est possible de faire plaisir à quelqu’un en cuisinant pour lui. »
- À 19 ans, le jeune Magnus a commencé à travailler pour Pascal Barbot au restaurant Michelin l’Astrance à Paris. « Il m’a dit que sa cuisine était trop petite pour un autre cuisinier, alors il ne m’a pas dit “non”. Je suis revenu tous les jours pendant trois semaines, je crois qu’il m’a engagé principalement pour que j’arrête de l’embêter. »
- Son mentor, Pascal Barbot, n’est jamais venu le visiter à Fäviken. « Je crois que c’est un truc français de ne pas essayer les restaurants de leurs apprentis. Je pense tout de même qu’il est fier de moi… »
- Magnus Nilsson a voulu abandonner le métier de cuisinier trois fois dans son parcours de carrière. « L’échec fait partie intégrale du long processus d’apprentissages qui mène au succès. Il faut trouver une satisfaction à faire ce que tu fais. Je l’ai souvent perdu et j’ai dû la retrouver autrement. »
- Selon lui, la créativité est le produit des connaissances et des expériences vécues. « C’est pourquoi on doit toujours rester curieux. Pacing is the key to create things. Ainsi, les difficultés amènent de nouvelles possibilités. Si l’on a accès à tout, cela bloque la créativité. »
- Il a étudié la sommellerie et a pensé qu’il ferait ça de sa vie. « C’est une des choses qui m’a le plus ouvert l’esprit : étudier les vins. En cuisine, on ne nous apprend pas à communiquer ce que l’on désire atteindre, l’habilité à parler des sens, des goûts, des odeurs, etc. Ces études m’ont amené un vocabulaire pour décrire tout ça. »
- Les vins suédois sont nuls selon lui — « yeah they suck. Par contre, nous avons d’excellentes bières et de très belles baies. Je pense qu’il faut accepter ses forces et ses faiblesses dans la vie et aller de l’avant. »
- Il a d’abord accepté de travailler à Fäviken pour un contrat de consultation de six semaines pour la carte des vins. « J’ai beaucoup dit à l’époque que je n’irais jamais ouvrir un restaurant là-bas. » Les six semaines sont devenues deux mois, puis trois mois, puis six mois, puis un an. Puis une autre année. “J’ai compris que j’aimais l’endroit finalement.”
- Magnus Nilsson est donc devenu le chef du restaurant Fäviken parce que l’équipe là-bas n’a jamais réussi à faire venir un excellent chef dans ce « trou perdu » qu’est Järpen — « Järpen est à peu près la grandeur du Danemark, avec un habitant par kilomètre. Je n’ai jamais réussi à trouver un bon chef qui accepterait de se rendre aussi loin pour un restaurant de 24 places à l’époque. Alors j’ai engagé quelqu’un en salle et je me suis remis à temps plein à la cuisine. It was purely out of necessity, because no one wanted to work there! But I’m happy I had to go back to the kitchen because I realized I really liked it. »
- Les opportunités sont très importantes selon le chef. « J’ai été très chanceux si on peut dire, d’avoir de “belles opportunités”. Cependant, j’ai aussi toujours su les prendre. Beaucoup de gens donnent la responsabilité du succès de certains sur la coïncidence et les opportunités faciles, mais j’ai réalisé au cours de mon parcours que chaque personne crée ses propres opportunités. Mon succès vient en partie du fait que j’ai réussi à créer quelque chose de cool avec chacune des opportunités qui se sont présentées à moi. »
- Magnus Nilsson est un homme aux multiples talents; c’est d’ailleurs lui qui prend la majorité des photos (sauf de la nourriture) de ses livres (dont la Cuisine des pays nordiques) et de son site web.
- Son livre la Cuisine des pays nordiques (pour lequel il était en visite à Montréal) est réellement sur la cuisine nordique, pas sur sa manière à lui de préparer la cuisine nordique. Il trouve d’ailleurs l’exercice de définir une sorte de nourriture très difficile, puisque « les gens cuisinent ce qui a du sens pour eux. J’ai appris avec ce livre que je ne connaissais rien en fait, de la cuisine nordique. Ce fut une expérience très enrichissante. »
- Un jour, Magnus Nilsson et ses partenaires ont doublé le prix du restaurant. Ils sont passés de 150 euros à 300 euros par personne. « Je voulais une meilleure qualité de vie pour les gens qui travaillent pour moi. Je voulais que mes employés travaillent 40 heures par semaines, maximum 50 heures, aient cinq semaines de vacances et qu’on fasse 10 % de profit sur tout (!!) On a pris un risque, et ça a très bien marché. »
- Beaucoup de gens de sa brigade sont des Canadiens « parce que le Canada et la Suède ont un accord et que les Canadiens peuvent venir travailler facilement pendant deux ans. »
- Magnus est passé d’un employé (lui-même) à 67 employés et génère un chiffre d’affaires de 6,5 millions.
- Il ouvrait jadis les réservations de Fäviken deux fois par an, et en moins de cinq minutes il vend toutes ses places (!) Pour s’assurer de contrer les « no-shows », Magnus vend ses places au restaurant comme des billets de spectacles — les places sont ainsi prépayées et non transférables.
- Pour lui, le menu dégustation peut être la meilleure expérience du monde ou bien la pire. « Il faut être extrêmement assidu et à l’écoute de son client. On ne peut pas dire aux gens comment ils vont se sentir, il faut leur montrer. Au restaurant, on commence par sept services très rapides servis à chaque 40 secondes, pour que les gens sachent qu’ils doivent prêter attention; instinctivement, les gens comprennent. Plus les gens prennent de cocktails en début de soirée, plus l’atmosphère est détendue. Ensuite on envoie un plat classique à succès, puis un plat réconfortant et faciles à aimer pour séduire, puis quelque chose de plus créatif et provocant, puis cinq petites bouchées rapides chaque 50 secondes, puis un légume toujours populaire, puis une viande, puis quelques accompagnements plus audacieux, puis cinq petites choses au trente secondes, puis un dessert charmeur et on finit notre service avec sept petites choses rapides et deux choses à grignoter. » Ouf.
- Magnus Nilsson a maintenant 38 ans, il est marié, a quatre enfants, et vit avec eux sur une ferme et vient de faire l’acquisition d’un verger pour se concentrer à la pomiculture.
- « Je pense que le plus beau cadeau qu’on puisse offrir à quelqu’un est le plaisir de cuisiner, le plaisir de manger. » Selon lui, les gens doivent toujours cuisiner pour les autres. « Il faut toujours que les clients sentent que ce qui est offert est pour eux. Trop de chefs cuisinent pour eux-mêmes, mais ça ne dure pas. On a un restaurant pour les consommateurs, pas pour nous-même. Beaucoup de chefs ouvrent pour être en compétition, pour cuisiner pour eux, pour de la reconnaissance de papiers ou de critiques, c’est de la mauvaise motivation. Il faut créer un restaurant qui plaise aux consommateurs. Et ensuite, il faut observer, et continuellement se réajuster pour leur plaire; c’est le plus intéressant challenge professionnel. »
Merci à Gallimard Montréal et Phaidon pour cette rencontre.
Pour vous procurer le livre sur la Cuisine des pays nordiques, cliquez ici.
Écrit par Élise Tastet
Photographié par Alison Slattery