Alexandre Vachon : chef de talent et authenticité québécoise 

Alexandre-Vachon

Alexandre Vachon est le chef du restaurant Hatley du Manoir Hovey, une des plus grandes tables de la province, même si son poste est prestigieux, son parcours et sa personne restent humbles et authentiques. Portrait d’un petit gars de chez nous qui rêvait grand et qui a travaillé fort pour sa faire sa chance.  

Alexandre vient de Saint-Albert, un petit village de 100 habitants de l’Est ontarien. Il a grandi dans une fermette entourée d’un boisé, où il a découvert son amour des produits avec le jardin de la famille. Ils étaient trois frères, tous passionnés de hockey, et la famille a déménagé dans un autre petit village près d’une aréna. Ses parents ne voulaient pas qu’ils traînent sans but, alors les fils ont commencé à travailler tôt. Alexandre a eu son premier job à 15 ans comme plongeur dans un restaurant italien. Ce petit resto italien du village faisait tout maison – pain, gnocchis, et avait une cuisine centrée sur les produits – il y apprend le goût des aliments de qualité, mais surtout, il y découvre l’ambiance unique d’une cuisine. «C’était un peu comme une équipe de hockey : des hauts, des bas, mais une camaraderie et une adrénaline incomparable pendant les services. Les cuisiniers étaient tous des personnages, et j’ai adoré travailler avec plein de gens différents. »

Après le secondaire, avec une grande passion pour le voyage, il s’inscrit en arts culinaires à Ottawa, qu’il voit comme passeport pour explorer le monde. Il poursuit ses études en gestion culinaire et obtient sa première expérience dans l’hôtellerie au Hilton du lac Leamy, où il travaille au SteakHouse, aide aux buffets et aux Banquets. Il fait également un stage au restaurant Baccarat, affilié au casino voisin, son premier contact avec la gastronomie, un univers qui le séduit tout de suite.

Aventures gastronomiques d’Alexandre Vachon

Après avoir obtenu son diplôme, il a soif d’aventures! Il postule un peu partout dans plusieurs établissements sans vraiment savoir où cela le mènera. Finalement, il atterrit au Fairmont Château Lake Louise. Cet hôtel comprend sept restaurants et gère un volume impressionnant de clients. Il y passe un an et demi, notamment au restaurant Fairview, qui avait quatre diamants à l’époque. Ce séjour lui permet de côtoyer des gens du monde entier et de vivre un incroyable mélange de cultures et d’apprentissages. Bien que le rythme effréné n’était pas ce qu’il préférait, il a adoré le cachet de l’endroit, et «patiner sur un lac entre deux glaciers c’est quand même quelque chose pour un petit gars comme moi.»  

Alexandre revient ensuite à Montréal pour une courte période, où il travaille au restaurant Les Deux Singes de Montarvie. Il aime de l’expérience de ce petit bistro la cuisine ouverte et la proximité exceptionnelle avec les clients. Toute l’équipe, en salle comme en cuisine, participe au service, ce qui crée une ambiance unique. Ça m’a donné envie d’avoir mon propre resto, même si j’avais juste 22 ans.

Puis, il a passé un an en Australie, à Surfers Paradise, dans un restaurant gastronomique à 30 minutes de Brisbane. Là-bas, il adore travailler les poissons et fruits de mer. L’Australie, avec son mélange de cultures, lui rappelle le multiculturalisme du Canada, tout en lui offrant une perspective différente sur la cuisine et la vie.

De retour au Québec, il fait un bref passage au Deca77 où il se dit qu’il aimerait peaufiner ses connaissances en France avec la cuisine française. Il reçoit cependant un appel de l’équipe de Boulud qui prépare l’ouverture du Maison Boulud au Ritz Carlton et il participe donc à l’ouverture de l’établissement avec Daniel Boulud, sous la direction de Ricardo Bertolino. «Je voulais aller en France, mais la France est venue à moi. » (rires) Daniel Boulud lui apprend beaucoup et Alexandre est entouré de grands chefs dont Riccardo, mais aussi et tous les gens en cuisine qui sortent d’Étoilés Michelin – il est le plus jeune de l’équipe. Le calibre est haut et il apprend beaucoup sur les techniques et la cuisine française.  Il a gravi les échelons pendant quatre ans, passant de chef de partie à sous-chef et n’en garde que des bons souvenirs. 

À cette époque, sa conjointe, pâtissière, revenait d’un stage à San Francisco, et Jean-François Archambault de la Tablée des Chefs l’a approchée pour ouvrir la pâtisserie Peccadille, une pâtisserie et chocolaterie. Quand Alexandre n’est pas au Ritz, il l’aide dans cette aventure. Jean-François lui parle alors de la reprise de la cafétéria du Jean Coutu où il cherche à révolutionner le concept : proposer une cuisine maison avec un menu renouvelé, en essayant de changer les standards de la cafétéria. Cette expérience lui permet de s’impliquer avec La Table des Chefs, un volet social qui le touche et le motive beaucoup. Il réalise que ce genre d’engagement a souvent plus d’impact que de simplement cuisiner des chanterelles.

À ce moment, sa conjointe, Valérie, tombe enceinte. Entre la cafétéria et le traiteur, il est un peu perdu et la restauration et l’hôtellerie lui manquent.

C’est alors qu’un chasseur de têtes basé en Floride contacte Alexandre Vachon pour un poste au Manoir Hovey. «J’avais jamais entendu parler de l’hôtel, mais c’était une offre parfaite. Un restaurant gastronomique à échelle humaine, avec une équipe de huit personnes pour des menus six services. Jeune, avec une famille grandissante, cette stabilité et cette qualité de vie m’ont immédiatement séduits.»

Une traçabilité marquée

Il trouve passionnant que la gastronomie s’oriente vers une approche plus durable : trouver l’équilibre dans cette transition est essentiel, et il est fier d’y contribuer. Aujourd’hui, l’entièreté du travail d’Alexandre et des équipes du Hatley privilégie d’ailleurs la traçabilité. «J’adore travailler avec des producteurs qui sont à 30 minutes du resto. On planifie ensemble les cultures et les récoltes à venir. C’est un réel travail d’équipe et le partage est essentiel : autant avec l’équipe, que les clients, et les fournisseurs. J’adore ça.» 

Ici, il n’y a pas de poivre ni d’huile d’olive : à part le café, le chocolat et le jus d’orange, tout est local. On fait notre pain, nos viennoiseries, notre beurre… tout est fait sur place, à partir de produits bruts. Ça a pris quatre ans pour mettre cela en place, mais revenir aux bases était essentiel. Son rêve est de pousser encore plus loin cette approche : construire une serre, développer un jardin en forêt, cultiver des champignons, et exploiter une érablière. L’idée est de devenir autosuffisant, sans tomber dans le greenwashing. Plus que tout, il veut montrer à ses enfants que la simplicité est le vrai luxe. Planter des carottes dans un jardin et en savourer le goût : c’est ce genre de petites choses qui compte.

Six ans après son arrivée au Hatley, Alexandre Vachon et sa famille ont trouvé un équilibre enviable. «Mes enfants ont 7, 6 et 4 ans et ils grandissent au bord d’un lac. Je travaille à cinq minutes de chez moi. Chaque jour je me pince en pensant à ma chance.» Et si vous passez au Hatley, vous aurez probablement ce sentiment également. De savourer des ingrédients bien de chez nous, pensé par une équipe de passionnés talentueux. 


Photographié par Alison Slattery

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