Dyan Solomon : restauratrice dans l’âme

Dyan Solomon est copropriétaire du célèbre café-restaurant Olive et Gourmando, le Foxy et du Caffe Un Po Di Piu. Entretien avec une femme d’affaires avisée sur son parcours éclectique.

Première expérience — À 14 ans, Dyan demande à sa mère de l’aider à trouver un travail et obtient sa première expérience en cuisine dans le traiteur des amies de famille. Dyan travaille pour deux femmes chefs, où elle apprend la base de sa cuisine : tout y est frais et fait maison — les légumes, les sauces comme la mayonnaise ou l’ailloli, les desserts et les plats. « Je pensais que c’était normal à l’époque, mais absolument pas. Cette expérience a marqué toute ma carrière, a changé pour toujours ma manière de voir les aliments. Ces deux chefs faisaient les choses bien, simples, tout ‘juste comme il faut’. »

Sa compagnie de traiteur — Dyan part étudier à McGill où elle fait un baccalauréat et une maîtrise en littérature et pendant ses études, elle crée sa propre compagnie de traiteur, qu’elle fait chez elle — elle fournit des événements de lancement, des réunions ou autres pour son université. « J’avais transformé toute une salle en giant walking fridge! Mon copain de l’époque m’avait aidée, c’était malade (rires). »

Chef débrouillarde — Elle travaille ensuite comme chef pour le programme de tree planting reforestation dans l’Ouest de l’Ontario. “Je cuisinais dans un bus, sans électricité, on devait même construire un frigidaire dans le sol! Les contraintes étaient multiples, mais ce fut une excellente expérience : j’ai appris à devenir une cuisinière résistante et robuste, à respecter des budgets, à préparer des commandes, à conserver les aliments et à planifier les portions. J’ai développé ma débrouillardise et ma force de caractère.”

Toqué! 1 — Elle part ensuite faire l’école de cuisine au Vermont et pour son école, elle fait un premier stage au Toqué!. « Je suis allée y manger avec mon père, c’était dans le temps où ils étaient sur la rue Saint-Denis. Je suis tombée en amour avec l’endroit. J’ai écrit une lettre de déclaration d’amour pour l’établissement, qui expliquait pourquoi je voulais absolument travailler là, et l’ai donnée à Normand [Laprise]. Il m’a engagé. » C’est là qu’elle rencontre Éric Girard, son futur partenaire d’affaires, qui à l’époque s’occupe des pains du Toqué!.

Boston et Corinna Mozo — Elle fait son deuxième stage dans un restaurant à Boston pour la chef Corinna Mozo, qui est maintenant à Toronto. « À l’époque, cette cheffe avait été nommée jeune talent de l’année par Bon Appétit Magazine, alors c’était quelque chose. » Dyan a toujours travaillé avec beaucoup de femmes en cuisine et elle apprécie énormément : « c’est tellement un milieu macho; une cuisine juste de gars, ce n’est pas très agréable. Tu n’as pas besoin de crier ou d’être méchant pour être compris. Je pense que c’est pourquoi j’ai tant aimé travailler pour Normand ; il est si élégant, respectueux et délicat dans son travail. Je l’admirais beaucoup pour ça. »

Toqué! 2 — Dyan rentre ensuite à Montréal pour Noël et propose son aide à Normand pour la période des fêtes. « I just never left. I don’t know if I would have stayed in Montreal if that did not happen, but eh, everything happens for a reason right? » Dyan prend le rôle de chef de partie du garde-manger, la plus grosse station du restaurant. Elle devient amie avec la chef-pâtissière qui, lorsqu’elle quitte, réfère Dyan pour son poste.  « Normand m’a envoyé faire un stage au Ritz Carlton de Washington en pâtisserie. » C’est à son retour qu’elle développe grandement sa relation avec Éric. Entrepreneur dans l’âme, il lui parle de sa volonté d’ouvrir sa propre boulangerie. « Je lui disais qu’il était fou ! Mais il était vraiment parti. Puis, il a obtenu une bourse importante. Il avait 25 ans à l’époque. Et il m’a convaincue de devenir partenaire avec lui dans cette histoire… Deux mois plus tard, je quittais le Toqué! pour ouvrir Olive et Gourmando. »

Olive et Gourmando — En 1997, Olive & Gourmando ouvre ses portes comme minuscule boulangerie. À l’époque, le Vieux-Montréal était vide ; « c’était presque épeurant, creepy le matin quand on arrivait. » Éric et Dyan offrent des pains, des cafés, quelques pâtisseries et des fromages. L’endroit possédait cinq places assises à ce moment-là, mais fournissait du pain à des endroits comme le Globe et le MED, restaurants très animés à l’époque, mais aujourd’hui disparus. « À un certain moment, on a fait des sandwichs et BOOM !, tout a disparu en deux secondes. Alors on a vu une opportunité. On a fait une cuisine fixe et on s’est spécialisés dans les lunchs. On offrait des petites salades et des sandwichs froids pour emporter. » En 2005, Olive & Gourmando double son espace et arrête de fournir les restaurants.  « On ne fait maintenant que du pain pour notre propre fabrication de sandwichs. » L’endroit est dorénavant un incontournable de Montréal; un des meilleurs endroits où luncher en ville.

Après plus de 35 ans d’expérience en cuisine, Dyan ne se considère toujours pas comme une cheffe.  « Je suis une très bonne cuisinière et une restauratrice, mais pas une cheffe. Les gens balancent ce terme sans cesse. Ça prend des dizaines d’années d’expérience en cuisine, avec des brigades importantes pour être une “cheffe”, et il faut encore être dans sa cuisine ; les gens l’oublient souvent. »

Éric et Dyan avaient dit non à un nouveau projet, mais presque 20 ans après l’ouverture d’Olive et Gourmando, ils ouvrent le restaurant Foxy.

Pourquoi le Foxy ? « La vraie raison, c’est qu’à l’époque, Éric et moi nous nous sommes séparés. On était un couple depuis 15 ans, des meilleurs amis et des business partners, mais on s’est séparés. On ne s’est jamais chicanés et tout s’est fait dans le respect, mais ça a été un grand changement. On a même attendu huit mois avant de le dire à nos employés pour leur prouver que ça ne changerait rien. Tout le monde était triste. Éric est un entrepreneur et à chaque fois qu’il voulait faire un nouveau projet, j’avais peur que ça influence notre vie de couple. Mais là on n’était plus un couple, alors je l’ai poussé à réaliser son truc. Il voulait un resto de soir, et je ne sais plus comment il a fait, mais il m’a convaincue de le faire avec lui ! » (Rires) Griffintown a simplement été choisi pour être proche d’Olive et Gourmando; un bâtiment aux multiples charmes avec une location optimale pour les propriétaires.

La cuisine et les gens du restaurant Foxy — Avec la cheffe Leigh Roper (ex cheffe de Vin Papillon), le super boulanger Marc-André Cyr et la cuisinière hors pair Vanessa Laberge (Olive et Gourmando), Éric et Dyan vont offrir une formule gagnante. Au Foxy, les clients mangeront comme à la campagne : plein de superbes produits, tous travaillés selon leur nature, et tous fait maison  — féta, yogourt, crème glacée, saucisses, pancettas, etc. Au niveau des vins, on parle de vins d’importations privées, de vins nature, surtout de chez Dame Jeanne, Œnopole et Rézin. Le style de cuisine est un mélange de la cuisine d’Éric et Dyan avec celle de Leigh, toutes les cuissons sont faites au four à bois. « Cela nous garde limités et nous pousse à la créativité, mais aussi à ne pas être tout éparpillés ». Petit retour vers la cuisine de camp de reboisement de Dyan. Si l’endroit fait des petits-déjeuners, ce sera pour que Marc-André et Vanessa puissent mettre de l’avant leurs talents. Le décor a été pensé par Éric, Dyan et réalisé par Éric Filteau et son équipe de MO Design Workshop and Architecture. Tout a été fait maison, custom. Le restaurant Foxy est maintenant un des meilleurs restaurants de Griffintown.

Comme vous l’avez probablement lu ailleurs, l’établissement à été nommé Foxy en l’honneur du chien de Dyan, « mais finalement notre super cheffe était rousse et ça allait avec sa personnalité. C’est drôle, c’est léger, un peu stupide, mais notre branding est recherché et ça fait un peu sauvage, bois, j’aime beaucoup » explique Dyan Solomon.

En 2018, le duo se lance dans un autre projet: le Caffe Un po di piu. Installé dans le Vieux-Montréal, le café sert des délices d’inspiration italienne à partager, en plus de posséder une très belle carte des vins nature, d’importation privée et uniquement italiens. L’endroit, imaginé par Zébulon Perron, est magnifique. Il s’est d’ailleurs taillé une place dans notre liste des plus beaux restaurants de Montréal.

« À la fin de la journée, j’adore les gens, j’adore la folie des gens de restauration, leur personnalité. C’est tellement stimulant comme milieu. » – Dyan Solomon.

Merci Dyan pour ton énergie contagieuse, pour ta générosité et ton optimisme. Merci aussi pour ton parcours inspirant et bonne continuation !


Photographié par Louise Savoie

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